D’ordinaire, premier marché du luxe en valeur, l’Amérique du Nord a été durement touché dans ses fondamentaux par la crise sanitaire. La fermeture forcée de ses points de vente s’inscrit dans la continuité d’une crise de la distribution physique face au boom du e-commerce, qui a vu 9 000 boutiques baisser le rideau en 2019. Patrie du marketing, des outlets et des malls XXL, ses fleurons wholesale Lord & Taylor ou encore Nordstrom se retrouvent en difficulté tandis que Neiman Marcus parvient de justesse à essuyer une partie de sa dette

En parallèle, la stigmatisation de la Chine par Washington, sur fond de protectionnisme, contribue à entretenir de vives tensions géopolitiques tandis que des revendications sociales toujours plus vives et l’échéance électorale du 3 novembre font peser sur l’industrie européenne du luxe, et notamment française, majoritairement exportatrice, une véritable épée de damoclès. 

Une pandémie hors de contrôle qui bouleverse le paysage de la distribution 

Les Etats-Unis sont parvenus à maîtriser tardivement la progression de la pandémie, étant, au mois de juillet, toujours aux prises avec la première vague de contamination. Le pays est, au 2 octobre, le plus endeuillé de la crise sanitaire avec 207 816 morts pour 7 279 065 cas, juste devant le Brésil (144 680 morts). Chose inédite depuis le mois du mars, le pays recommence à reconfiner certains quartiers

La crise sanitaire a frappé de plein fouet l’économie américaine et est sur le point de se doubler d’une crise sociale avec pour toile de fond chômage de masse et inégalité raciale d’accès aux soins. Connaissant le plein emploi fin 2019 avec un taux de chômage de 3,5% (plus bas historique depuis 1969), celui-ci s’était envolé à 14% en avril avant de retomber à 8% au mois d’août. Les experts considèrent que la crise, à l’échelle mondiale, sera plus grave que la Gande Dépression, cette crise financière et boursière  qui s’était propagé depuis Wall Street en 1929 pour toucher l’économie mondiale. Quant à l’échelle américaine, la crise sanitaire s’annonce bien plus grave que la crise des subprimes de 2008. Pour autant, le pays devrait présenter une économie plus résiliente. 

En revanche, pour le luxe c’est une autre paire de manche. Le marché du luxe représentait aux Etats-Unis 84 milliards de dollars en 2018. En 2014, le cabinet Bain & Co présentait déjà l’Amérique du Nord comme nouveau leader du luxe en 2020. Or, l’exode touristique et le ralentissement de la croissance ont pénalisé son activité, en particulier dans la beauté et la maroquinerie. Si l’optimisme chinois permet à l’industrie du luxe d’enregistrer de forts rebonds, aux Etats-Unis comme en Europe, la reprise sera lente et graduelle. Le cabinet Bain tablait pour l’année 2019 sur une croissance molle sur le marché américain de 2% à 4%. Cette année, Euromonitor prévoit une chute des ventes dans la région de l’ordre de 25%

Un des principaux groupe de luxe US, Tapestry, la maison mère des marques Coach, Kate Spade et Stuart Weitzman, a enregistré une perte nette de 293,8 millions de dollars et une chute de 20% de ses ventes sur le trimestre. Dans les grands magasins la situation est, elle-aussi, compliquée : la chaîne Nordstrom a vu ses ventes se contracter de 53%, le groupe Neiman Marcus, qui est parvenu à éviter la faillite en transformant près de 4 milliards de dollars de dettes (sur 5,5 milliards) en equity va néanmoins fermer une dizaine de points de vente, dont son flagship de Manhattan et devoir licencier 12 000 personnes. Autre symbole du luxe new yorkais, la plateforme de location de tenues designer et couture, Rent The Runway s’est vu contrainte, face à la raréfaction des occasions de représentation (soirées, bals, mariages…) de fermer ses 5 points de vente et supprimer son offre Unlimited qui permettait de louer autant de tenues que désirées au mois ou à la semaine, suivant un prix forfaitaire de 158$. Désormais, la clientèle devra débourser 89$ pour 4 articles et jusqu’à 189$ pour 16 articles. Toute les offres ne donneront pas accès à l’ensemble de l’inventaire. Ainsi, le prix d’accès concernera une partie des accessoires et des tenues de travail (workwear). De son côté, l’inoxydable représentant du rêve américain et du lifestyle preppy, Ralph Lauren connaît au quatrième trimestre de l’exercice 2020, une diminution, plus forte que prévue, de son chiffre d’affaires (15,4%). Les pertes sont estimées à 127.7 $ millions au premier trimestre. Devant la chute du trafic en magasin et le développement de son activité e-commerce, la marque américaine compte supprimer 3700 postes d’ici mars.

Mais toutes les entreprises américaines du luxe ne connaissent pas le même sort. Ainsi, Nike enregistre une croissance de ses ventes e-commerce de 82% sur le trimestre. De son côté, le groupe Capri Holdings fait mieux que prévu, tiré par le succès de Versace qui connaît une hausse de ses ventes de 55,5%. Le groupe rapporte ainsi une chute de « seulement » 11,3% de son chiffre d’affaires trimestriel. Un taux à nuancer dans la mesure où la période comptabilisée s’est achevé au 28 mars et n’a donc pas pris en compte la période de confinement, intervenue dès avril aux Etats-Unis. Le constat est moins glorieux auprès de son portfolio. Ainsi, avec – 68,7% de ses revenus sur le trimestre, la marque de luxe accessible, à l’esprit jet-set, Michael Kors continue de sous-performer. Depuis 2 ans, la demande en grands magasins et dans les outlets – ces magasins d’usines pratiquant d’importants rabais – s’effondre tandis que ces sacs, véritables vaches à lait de la marque sont concurrencés par des marques indépendantes et de nouvelles tendances streetwear (sacs à dos, sacs bananes). Enfin, Tiffany & Co, la marque de luxe la plus emblématique d’Amérique (et ce depuis 1837), dont la vente pour 16 milliards de dollars au géant européen du luxe LVMH est compromise, a connu une chute de 29% de ses ventes sur le trimestre qui s’est terminé au 31 juillet. Une belle remontée néanmoins à en juger les 45% de diminutions précédentes.

Ce marché du luxe essentiellement physique et urbain reste très localisé dans certains quartiers des grandes agglomérations avec New York, Los Angeles et Miami en pole position. Huit autres villes présentent un potentiel largement sous-estimé comme San Francisco, Washington, Boston, Chicago, Houston, Atlanta, Seattle et Dallas. En parallèle, des lieux de villégiature voient l’arrivée de pop-up stores de luxe sur un cycle saisonnier (3-4 mois). En été avec les Hamptons, Martha’s Vineyard, Nantucket ou encore Malibu et l’hiver Aspen et Vail. La région des Hamptons ont été la destination estivale prioritairement ciblées par les enseignes de luxe new yorkaises, du fait de sa proximité géographique et son segment « affluent ». A travers son programme “Choo To You”, le chausseur Jimmy Choo a lancé un van itinérant et un programme de livraison à la demande. De son côté, le grand magasin Bergdorf Goodman de la 5e avenue de New York s’est mis à proposer un service exclusif de livraison same day en s’appuyant sur le canal e-commerce.

A l’instar de l’Europe, l’Amérique du Nord, nation fortement retailisée, a été très éprouvée par les évènements. D’autant plus, qu’elle avait essuyé l’année dernière un retailapocalypse – contraction de retail et apocalypse traduisant la chute des ventes et du trafic en magasin dans les grandes galeries commercantes – avec des faillites en cascade et plus de 9 000 fermetures de magasins. La force de frappe e-commerce d’Amazon (offre, prix, délais et frais de livraison) a fini par ringardiser l’expérience client tandis que des intégrations verticales tout azimut ses 20 dernières années ont considérablement fragilisé les retailers indépendants et les grands magasins. Lord & Taylor, doyen des grands magasins américains, récemment racheté par la startup de location de produit de mode Le Tote, n’aura pas survécu tandis que le groupe Neiman Marcus, vénérable institution de 113 ans et propriétaire de Bergdorf Goodman a presque failli ne pas s’en relever. 

Inexorablement, sous les effets conjugués d’une gestion de crise calamiteuse et d’une offre mal adressée, le soft power américain s’effrite au profit de sa rivale économique chinoise. Ainsi que le rapporte Javier Seara, associate chez BCG, les biens personnels de luxe pourraient bien accuser une chute des ventes de 23 à 34% sur l’année 2020 contre 24% à 30% en Chine. 

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Démobilité, taxes et géopolitique : une navigation à haut risque

L’un des particularismes du luxe aux Etats-Unis est qu’il reste très lié au tourisme de masse, aussi bien international (mexicains, brésiliens, britanniques, chinois, japonais) que domestique

Entre une politique de gestion de crise inadaptée qui dissuade les touristes internationaux de revenir, inquiets pour leur santé, une tension commerciale ravivée avec Pékin qui exacerbe le sentiment nationnaliste et l’échéance électorale du 3 novembre qui incite à un certain attentisme, l’heure n’est pas à l’optimisme pour le marché du luxe Nord Américain. 

Depuis l’élection de Donald Trump et la crise sino-américaine, les touristes chinois se font rares, ces derniers préférant poursuivre leurs virées shopping directement dans leur pays d’origine tout en évitant un dollar fort. Ainsi, la clientèle chinoise a déserté les rues de New York et le flagship de la 57e avenue du joaillier Tiffany & Co, spécialiste des bagues de fiançailles et des alliances ornées de diamants, qui représente 10% de son chiffre d’affaires. Mais avec le COVID, la Big Apple perd aussi des clients domestiques, qui, désormais en télétravail, ne font plus le déplacement. Saks Fith Avenue a ainsi noté de belles performances pour ses points de vente de Philadelphie, Troy ou encore Atlanta. Plus préoccupant encore le pays fait actuellement face à l’exode des étudiants chinois, comme le souligne le Nikkei Asian Review. Alimentant un marché universitaire estimé à 170 milliards de dollars, ils constituent de véritables prescripteurs des marques américaines auprès de leur entourage dans leur pays. Un système de bouche-à-oreille bien rôdé qui dispensait jusqu’ici les marques américaines de dépenses marketing importantes. Dépenses marketing historiquement orientées vers le print et les média, véritable barrière à l’entrée. Or, si les marques américaines arrivent à vendre leurs produits aux touristes de passage, elles ne parviennent pas à convaincre le marché domestique chinois. Comme le relève Jing Daily, ces ressortissants ne les trouvent pas suffisamment différenciantes. En quête de statut, bénéfice devenu apanage des marques de luxe européennes et de surcroît françaises, cette clientèle n’adhère pas à un luxe américain fait d’accessibilité, de confort et d’égalitarisme. Cette nouvelle donne risque d’entamer les résultats commerciaux des marques de luxe américaines mais, plus encore, d’affaiblir leur notoriété tout en les privant de nouveaux consommateurs. Signe de ce désamour manifeste, le China Report 2019 du Gartner Digital IQ Index, qui compare les marques les plus puissantes dans le digital ne hisse dans son palmarès que 2 marques américaines : Coach (Tapestry) et Tiffany & Co.  

Or, si les touristes ne viennent plus sur le territoire, il va falloir venir à eux. Pour cibler la clientèle chinoise, l’application WeChat et son taux de pénétration record de plus de 90% en Chine et 19 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis , s’annonce comme the place to be.  Mais voilà que l’administration Trump souhaite mettre en difficulté les entreprises chinoises opérant sur le sol américain en  interdisant leur utilisation. Des menaces qui pèsent aussi sur TikTok et son vivier potentiel de membres de la génération Z. Face au risque d’obsolescence accélérée de ses supports e-commerce, les marques doivent s’en remettre à une approche multi-canaux. C’est ainsi le plan du groupe Neiman Marcus qui souhaite abandonner son affiliation au secteur des “grands magasins” pour devenir “une plateforme de customer success de luxe”. Son PDG, Geoffroy Van Raemdonck, compte y parvenir en proposant une montée en luxe connectée, selon le triptyque ventes en full price, personnalisation et vendeurs augmentés (interagissants avec le client offline et online). 

Ralph Lauren a ainsi été salué par les experts financiers pour son tournant e-commerce initié pré-COVID et sa moindre dépendance aux grands magasins.  Dépendance dont souffre beaucoup de marques indépendantes et que fustige, Kerby Jean Raymond, fondateur de la marque streetwear Pyer Moss. Avec la pandémie, la marque, à l’instar de Jimmy Choo et Coach a mis en place des alternatives au shopping in-store avec le BOPIS (Buy Online PickUp In Store) et le BOPAC (Buy Online Pickup At Curbside), un autre type de Click & Collect mais cette fois-ci assuré à l’extérieur de la boutique, à même le trottoir ou le parking. 

Avec son style différenciant plus discret mais non moins flamboyant ainsi que la mise en avant de sa ligne accessoires et sneakers, la maison italienne Versace (Capri Holdings) trouve un formidable écho avec la tendance streetwear et les attentes de la jeune génération. De quoi lui assurer un positionnement renforcé dans l’espace saturé du e-commerce. Des sneakers qui participent grandement aux résultats de Nike, qui en revanche a vu les ventes de ses équipements sportifs et ses tenues sportswear dévisser. Jimmy Choo, qui a connu une baisse de ses ventes trimestrielles de 23% compte bien équilibrer davantage l’offre entre souliers, sneakers et accessoires haut-de-gamme, un impératif clé pour émerger dans l’e-commerce. En effet, tout l’enjeu des marques de luxe et des grands magasins sur le territoire est de rajeunir leur clientèle en ciblant les millennials et les membres de la génération Z.

 Mckinsey estime dans une étude récente que les marques peuvent capitaliser sur le comportement zappeur des clients, accentué par la pandémie. Ainsi, 36% expérimentent de nouvelles marques tandis que 73% poursuivent leur habitude à incorporer de nouvelles marques dans leur routine. L’étude note que les membres de la génération Z (1995 – 2012) et les hauts revenus ont une forte propension à changer de marques. Mais attention, pour les grandes fortunes comme les moins fortunés, la crise va renforcer l’arbitrage budgettaire. Enfin, si les américains restent accros au streetwear et au hip-hop, ils ont troqué leurs habitudes pour d’autres formats d’entertainment. Ainsi le gaming est en plein boom avec Fortnite qui a fourni un nouveau modèle de concert live avec un avatar virtuel. Le concert du rappeur Travis Scott a ainsi attiré plus de 12,3 millions de téléspectateurs. De quoi entrevoir de nouveaux types de contenus pour les marques. Le cabinet de conseil a aussi observé que les produits d’achat discrétionnaires comme les produits de beauté, la joaillerie et le prêt-à-porter devrait connaître une croissance de 15%. Le CEO de Saks Fith Avenue voit, de son côté, d’un bon oeil le potentiel du marché de la mode masculine, qui après 5 ans de croissance devrait connaître une envolée

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Responsabilité sociétale et éthique au coeur des préoccupations

Nous l’avons vu le climat économique, social et politique délétère a un effet dissuasif sur le tourisme et la consommation de produits de luxe. Néanmoins, la crise et l’ère “contactless” peut être l’occasion pour les marques de luxe américaines de se réinventer et notamment d’interroger plus en profondeur leur raison d’être (ou purpose), leurs approches clients et leur utilité en replaçant l’humain et la solidarité au coeur.

La question de l’éco-responsabilité, portée par la ville de Los Angeles et son lifestyle bohème est clairement en jeu, notamment à travers la reconfiguration du rendez-vous annuel de la fashion week en maintenant le frisson du live mais sans audience physique. Si la dernière fashion week new yorkaise digitale a déçu la profession, le gaming avec des jeux comme Fortnite ou encore Animal Crossing, peut servir de support pour présenter ses collections de manière plus ludiques et interractives. C’est aussi l’occasion d’offrir une expérience plus ludique, en particulier dans la création de skins de marques, avec Pro Design d’Animal Crossing ou l’application qui surfe sur le virtual styling, Drest. 

De l’autre en tant que nation retailisé, il s’agit de mobiliser les conseillers de vente pour maintenir le lien ou de réengager des clients disséminés dans le pays. Cela peut intervenir à travers des entretiens one-to-one en visio ou en proposant des sessions de livestreaming depuis la boutique, le conseiller pouvant présenter le produit sous toutes ses coutures. L’e-commerce reste un puissant levier pour toucher les américains, surtout que le pays et ses 312 millions d’internautes présentait en janvier le plus fort taux de pénétration internet au monde. En témoigne, l’abattement des frontières proposé par luxury store, le dernier portail e-commerce proposé par Amazon qui met à disposition des marques des espaces entièrement personnalisables et exclusivement réservés à ses 150 000 clients Amazon Prime. Les retailers physiques ne sont pas en reste et sont invités à rassurer la clientèle par un protocole sanitaire strict ou via l’accès à des espaces de vente privatisés accessibles sur rendez-vous

Si la France compte des conglomérats fleurons du luxe tels que LVMH et Kering, les américains ne sont pas en reste avec Tapestry et depuis 2019, Capri Holdings. New York fut longtemps un marqueur fort d’internationalisation des marques de luxe au sortir de la seconde guerre mondiale avec Dior, Chanel, Hermès ou Cardin. La légende ne dit-elle pas bien avant de mettre la main sur le groupe Boussac et donc la maison Christian Dior, Bernard Arnault aurait eu sa révélation sur le potentiel et la notoriété du luxe dans un taxi new yorkais. Interrogeant son chauffeur sur le nom du président de la république française, il s’était vu répondre : “non je ne sais pas par contre je connais Dior”. Les marques européennes de luxe, adossées à des grands groupes, majoritairement exportatrices et refusant la pratique du discount de masse, sont moins exposées aux affres de la crise que leurs consoeurs américaines. Toutefois les marques françaises se trouvent sous la menace d’une nouvelle taxation de Donald Trump en riposte à l’imposition prochaine des GAFAM en France. Taxe qui pourrait consister en 25% de frais de douanes supplémentaires sur certains produits comme les produits cosmétiques et la maroquinerie. Sous l’effet du COVID, de plus en plus de marque cherchent à préserver leur brand equity en s’éloignant des grands magasins et en mettant un terme à une politique de discount monstre (entre 50% et 70% en fin de saison). 

Si la clientèle américaine est connue pour apprécier les marques européennes de luxe, la suprématie du luxe européen et d’une certaine idéologie WASP (White Anglo-Saxon Protestant ou l’idée du suprémacisme blanc) se trouve de plus en plus contestée dans une société multi-culturelle. Ainsi, des marques indépendantes locales n’hésitent pas à reprendre les codes du luxe, l’élitisme en moins, tout  en capitalisant sur un esprit communautaire, comme Telfar, Pyer Moss ou encore Gabriela Hearst. Devant la polarisation de la scène politique, les américains réclament des marques qui n’ont pas peur de prendre fait et cause sur des questions sociétales et donc de se politiser. Or, au vue de l’échéance électorale dans le pays, il est recommandé de ne pas adopter un comportement partisan mais d’inviter ses clients à aller voter ou pour la marque de choisir le camp de la démocratie

La solidarité et l’entraide des plus fragiles, souvent issus des minorités (afro-américains, hispaniques et mexicains) reste une préoccupation majeure. C’est ainsi que le don, dans la lignée des charities est actionné par les marques. Pyer Moss a ainsi fait don de masques et de gants aux minorités avec l’aide de Kering tandis que Michael Kors, pour sa 8e année consécutive, a déployé son programme Watch Hunger Stop lançant une collection capsule dont 100% des revenus sont reversés au Programme Alimentaire Mondial des Nations Unis (cause par ailleurs défendue par la maison Balenciaga). Hors luxe, c’est Banana Republic (Gap Inc.) qui a fait don de plus de 20 millions de dollars de vêtements neufs notamment à destination des américains qui se retrouvent au chômage.

Avec le mouvement MeToo, les discriminations liées aux femmes s’estompent tandis que les inégalités raciales sont mis en lumière avec Black Lives Matter. Les marques doivent néanmoins continuer de lutter contre la masculinité toxique et l’objectivation de la femme en favorisant l’émergence de figures inspirantes féminines (role model). Comme en Europe, la beauté consensuelle, longiligne est challengé par des canons de beauté plus inclusifs (profils multi-raciaux, plus Size, LGBTQ+, handicapés). Dernier exemple en date le récent défilé Versace a fait défilé des mannequins Plus-Size. Ainsi, plus que dans n’importe quel autre pays, la diversité des profils (mannequin, nouvelles recrues et membres du board) est un objectif de premier ordre. La lutte contre la maltraitance animale (mouvements cruelty-free), préoccupation croissante en France, est ancré dans l’ADN américain : la première loi dédiée remonte au 17e siècle tandis que 68% des foyers ont un animal de compagnie. 

 

Nous l’avons vu, les marques américaines de luxe font face à une Image de marque détériorée suite à l’introduction de produits meilleurs marché, multipliant les promotions et réduisant les investissements. La constance du joaillier Tiffany, seule marque de luxe américaine selon une conception européenne dans la mesure où elle ne s’abaisse jamais à la politique de rabais des outlets, est de plus en suivie par les retailers du pays.

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A Retenir
  • Les Etats-Unis sont fortement affectés par la crise sanitaire. Se remettant à peine de la crise de malls à l’expérience client d’un autre temps (Retailpocalypse), le pays subi les contrecoup des mésententes géopolitiques avec la Chine. Selon BCG la reprise du marché du luxe sera lente et parcellaire. Les ventes des biens personnels de luxe devraient connaître une chute de 23 à 34% sur l’année 2020 contre 24% à 30% en Chine. 
  • Les ventes en outlets détruisent du brand equity à moyen-terme et sont donc à proscrire. De plus en plus de marques et grands magasins ont compris l’intérêt de suivre la constance de Tiffany’s & Co et d’opter pour une montée en luxe en préservant leur marge en privilégiant la vente full price.
  • Devant l’exode des touristes et des étudiants chinois, il convient de miser sur de nouveaux canaux de distribution et de communication. L’e-commerce doit permettre de toucher les clients domestiques qui fuient les principaux centres du luxe (New York, Los Angeles et Miami) au profit de destinations urbaines secondaires (Boston, Chicago et Dallas) et de villes balnéaires (Hamptons, Aspen…)
  • Misant d’ordinaire sur le luxe accessible, le confort et l’égalitarisme, développer une offre équilibrée faisant la part belle à un sportswear décontracté et surtout des sneakers, s’impose. Par ailleurs, le marché masculin semble bien positionné pour émerger. 
  • Aux Etats-Unis il convient de prendre parti (take a stand). Si l’engagement politique partisan est à proscrire, il convient de choisir le camp de la démocratie, de la diversité et de la justice sociale. Développer l’entraide comme avec les charities est clé dans une période aussi incertaine et en quête de marques soignantes.