Côté nouveaux usages, l’e-commerce et les jeux vidéo ne sont pas les seuls grands gagnants du confinement. 

Avec le désir de convivialité et de partage accentué par l’épisode pandémique, les jeux de société sont plus que jamais d’actualité. Mais aucun n’a eu autant de succès cette année que le jeu d’échecs. Une tendance de fond accentuée par The Queen’s Gambit, une création de Netflix, boostant du même coup les ventes d’échiquiers, de cours particuliers et l’intérêt pour les tournois virtuels sur Twitch.

Sortie le 23 octobre 2020 sur Netflix, The Queen’s Gambit (Le jeu de dame en VF) est une série en sept épisodes adaptée d’un roman de Walter Trevis paru en 1983. L’histoire met en scène, dans les années 1950, Beth Harmon (interprétée par l’actrice Anya Taylor Joy), une jeune prodige des échecs, originaire du Kentucky, qui s’initie à la discipline dans son orphelinat avant de devenir grand maître des échecs. La trame montre l’héroïne enchaîner les championnats d’échecs dans des environnements rétro de Vegas à Paris et lutter contre toutes formes d’addictions (pilules, alcool et biais cognitifs). La série a été visionnée par 62 millions de spectateurs sur la plateforme dès le premier mois

Mais surtout la série s’est révélé un véritable phénomène culturel qui a fait (re)découvrir les jeux d’échecs à une large audience. Le fait que la série ait été classée parmi les plus populaires des créations Netflix a généré un vif intérêt pour les produits liés aux jeux d’échecs. Dans les 3 premières semaines suivant le lancement de la série, les ventes de jeux d’échecs se sont envolées à plus de 87% aux Etats-Unis tandis que les ventes de l’ouvrage original ont bondi de 607%, selon les données de NPD Group. D’après le journal britannique The Independent, les ventes de jeux d’échecs ont connu une hausse de 273% sur le site d’enchères Ebay dans les 10 jours suivant l’arrivée de la série. Le sujet fut particulièrement recherché sur Google, tandis que Etsy, la marketplace spécialisée dans le fait main, a vu les recherches de jeux d’échecs grimpé de 383%Nick Barton, Directeur du Business Development de Chess.com en atteste : des millions de nouveaux fans se sont pressés vers Chess.com pour des jeux mais aussi des cours et des puzzles, offrant au site sa plus forte croissance annuelle depuis son ouverture en 2007. 

Mais considérer la série comme seul et unique déclencheur est inexact. Selon la chaîne américaine CBS, l’intérêt pour les jeux d’échecs trouve sa source des deux confinements successifs et d’une hausse de la fréquentation des jeux d’échecs en ligne depuis le mois de mars. Ainsi depuis mars, le site chess.com compte 12.2 millions de nouveaux membres, dont 3,2 millions arrivés dans le sillage de la première de la série. Le jeu d’échecs est aussi le spectacle sportif à la plus forte croissance sur la plateforme de vidéo en direct Twitch. Parmi les influenceurs qui ont bénéficié de cet engouement soudain, on trouve Alexandra Botez, une streamer championne des échecs. Comme en témoigne le New Yorker, en janvier sa chaîne comptait 61 000 fans. Aujourd’hui, ils sont plus de 450 000. 

Derrière le succès de la série, une stratégie de bouche à oreille autour d’un récit accessible aux non-initiés, qui a porté ses fruits avec des thématiques dans lesquelles l’audience peut aisément se retrouver et un jeu historique, aux règles universelles et reconnaissable entre tous. La série aborde des sujets qui résonnent avec les préoccupations des jeunes générations et de la condition féminine liés à la santé mentale et à la situation pandémique (addictions, perte d’un être cher, conflit personnel ou encore lutte contre l’adversité). Si Harry Potter à l’école des sorciers avait fait d’une partie de jeux d’échecs, une scène épique alors l’aide de Jeremy Silman, maître des échecs, des coupes au montage ont finalement nui à la crédibilité de la tactique de Ron Weasley.

32 pièces et 64 cases. Visuellement simple, incarnation de la concentration et de la réflexion qui fait souvent défaut à l’ère de l’hyper-connexion, le jeu d’échecs a l’avantage d’être directement associé avec la problématique du développement personnel, ce qui lui permet de séduire les adolescents et leurs parents. Ces derniers y voient un moyen utile d’améliorer les capacités de déduction de leurs enfants.

Ce n’est pas la première fois, cette année, que Netflix,  leader de la SVOD se fait prescripteur de tendances. Dernièrement ce fut la série Emily in Paris qui entraîna un fort engouement pour les produits de la maison Chanel ou encore la série The Last Dance sur l’ascension de Michael Jordan en 10 épisodes qui a vu les ventes de sneakers et notamment les fameuses Jordans atteindre des tarifs jamais vus. Par effet collatéral, la marque Jordan a contribué aux 3,6 milliards de revenus de sa maison mère Nike. 

Précédent jeu de société à avoir conquis les consommateurs, le poker avait obtenu une médiatisation sans pareille à l’issue de l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent et de hasard en 2010 et dans le sillage de Casino Royale (2006), reboot de la franchise James Bond par Martin Campbell. Ce nouvel opus suivant les aventures d’un 007 plus émotif et cérébral avec Daniel Craig, par le  réalisateur du précédent Goldeneye (1995), proposait des scènes incluant une partie de Texas Hold’Em palpitante et véritable mise en abyme de la vie d’espion.