Interactives et événementielles, les vidéos diffusées en direct séduisent marques, commerçants et artistes. Rupture bienvenue à l’heure d’une routine pandémique et confinée, le modèle du live streaming venu de Chine s’est révélé cette année un moyen efficace pour les acteurs du e-commerce en occident afin de toucher une nouvelle clientèle en quête d’une expérience digitale renouvelée et plus incarnée

En 2020, le Live Streaming s’est avéré l’alternative idéale aux évènements en présentiel comme les défilés de mode, les concerts musicaux mais aussi les évènements commerciaux dans la mode, le luxe et la beauté. Mais son plus grand potentiel réside dans l’humanisation de la relation e-commerce. Par sa durée limitée dans le temps – généralement entre 4 et 7 heures d’émission sur une journée – peut être vu comme la mise à jour du “commercial drop”, qui rencontre un grand succès dans les collabs inter-marques streetwear et les sneakers. A part qu’ici, les clients n’ont aucune file d’attente à suivre tandis qu’il est possible d’interagir avec les animateurs dans le confort de leur domicile. C’est un moyen pour les marques de gagner en notoriété, d’écouler leurs inventaires excédentaires et pour les artisans et fermiers indépendants d’atteindre plus aisément des prospects et les convertir en clients. Les produits proposés à la vente et présentés sous tous les angles lors de ses évènements sont principalement liés à l’univers de la beauté et des cosmétiques mais aussi de la mode et de la nourriture. Interactif, les clients sont libres de poser leurs questions en temps réel, tandis que la marque comme l’influenceur peuvent immerger l’internaute-prospect dans l’univers de la marque et dérouler un storytelling produit optimisé. Selon Forbes, le live commerce permet de générer davantage de confiance, dans la mesure où le streamer est perçu comme un expert.

En Chine, le e-commerce était déjà, pré-pandémie, dans le quotidien des populations. Le marché de la vente en ligne dans le pays devrait représenter 1 trilliard de dollars en 2020, contre 862 milliards en 2019. Selon eMarketer, la Chine possède le taux de pénétration e-commerce  le plus important au monde sur le total des ventes retail (plus de 35% en 2019), le plus haut niveau de ventes absolues (plus de 3 fois le marché américain, considéré comme le second au monde) et le taux de croissance le plus rapide. Mais le pays est aussi connu comme la patrie du live streaming. Le dernier Single’s Day a ainsi généré 6 milliards de dollars de vente pour le groupe Alibaba. 

Mélange de divertissement et de démonstration produits façon téléachat, le live streaming venu de Chine, déferle sur l’Europe et les Etats-Unis, marchés pour qui le format  reste historiquement cantonné au secteur du divertissement (films, concerts de musique…). La première marque à s’être emparé du format live, dès 2014, fut Mogujie, une plateforme chinoise de social commerce, dédiée à la mode féminine. Deux ans plus tard, ce fut Taobao, la plateforme e-commerce du groupe Alibaba qui inaugura son Taobao Live. Au départ, le format était orienté entrée et moyenne gamme à destination de la modeuse de 18-23 ans. Or, avec un panier moyen relativement bas, le groupe de e-commerce a cherché le moyen de booster le taux de conversion.

 Dans son sillage, l’adoption du live commerce s’est intensifiée jusqu’à faire son apparition sur les plateformes Douyin (le TikTok chinois), Kuaishou, The Little Red Book ou encore Bilibili. L’année dernière près de 430 million de personnes – 30% de la population en Chine – a visionné un livestream, et en  2020, 560 millions de personnes devraient visionner une session live commerce, soit 39% de la population locale.  Les ventes en live stream devraient grimper de plus de 100% par rapport à 2019, pour représenter 9% du total des ventes online. En 2019,  environ 37% des shoppers online de Chine ont réalisé des achats en live stream. Surtout porté par les jeunes générations, les adultes et seniors rejoignent de plus en plus le mouvement.  Tant et si bien que les marques de luxe européennes s’y sont mises, essentiellement pour vendre des accessoires et des produits de beauté. Louis Vuitton a organisé sa première vente en mars pendant une heure sur la plateforme social commerce Little Red Book. Etaient présentés des éléments de la collection à venir PE20. Les produits du hard luxury – horlogerie-joaillerie – n’y coupèrent pas non plus. En partenariat avec Net-a-porter et Tmall Luxury Pavilion, Watches & Wonders a réalisé en avril et durant 4 jours des ventes live stream. Près de 100 nouveaux modèles de 9 marques horlogères du groupe Richemont étaient présentées, dont Panerai, Jaeger Lecoultre ou encore Cartier. Le seule premier jour de l’opération a généré 800 000 vues selon un cadre du groupe d’Alibaba. Par ailleurs, des replays étaient disponibles sur les comptes Weibo de Net-a-porter, tandis que Tmall a développé une section spéciale pour parler plus en détail des marques et des produits. De son côté, le groupe l’Oréal s’est servi du format pour booster ses ventes en présentant ses produits et en distribuant goodies et bons de réduction.

Hors de Chine, le décollage fut plus lent. En Asie du Sud-Est, les plateformes e-commerce Lazada et Shopee se mirent aussi à proposer la vente diffusée en direct. Aux Etats-Unis, la tendance fut plus tardive, se faisant une place dans le quotidien des américains qu’à partir de cet été. Amazon qui dispose d’une plateforme de streaming en direct, Amazon Live, organise des émissions journalières de fitness, maquillage et cuisine. Le Live Stream d’Estée Lauder, organisé lors du Single’s Day, a vendu 300 millions de dollars de produits selon une tactique deux produits pour le prix d’un. En France aussi le modèle a été expérimenté. Pour présenter sa collection haute joaillerie (Sur)Naturel à 25 clients triés sur le volet, la maison Cartier a aménagé au rez-de-chaussée de son siège parisien, un studio d’enregistrement éphémère sur lequel se sont affairés une trentaine de techniciens.  Les Galeries Lafayette ont mis en place leur service “Exclusive Live Shopping”: L’internaute peut échanger avec un personal shopper pour se voir présenter sous toutes les coutures des produits de près de 120 marques ou un conseiller de vente issu des 70 marques partenaires. Le groupe FNAC DARTY s’est associé à l’influenceur Sébastien Abdelhamid pour proposer en octobre, un évènement spécial pour la sortie de la nouvelle console de jeu vidéo nouvelle génération Xbox de Microsoft. L’idée est de décliner le concept à plus d’une vingtaine de produits jusqu’à la fin de l’année. 

Le live commerce a généré 60 milliards de dollars dans le monde en 2019, un chiffre amené à doubler cette année, d’après CoreSight. 

Offrant proximité et interactivité avec la communauté de marque, le live streaming annonce aussi une redéfinition du rôle des vendeurs en boutiques retail et un bouleversement de la configuration des points de ventes. Beauty Counter, la startup de clean Beauty, annonce la couleur : intégrant son studio d’enregistrement au sein même de son nouveau point de vente à Los Angeles, comme le rapporte Fast Company. Les vendeurs se filment en direct dans la boutique, l’expérience in-store étant retransmise sur la plateforme Bambuser, elle-même diffusée sur le site web de la marque. L’entreprise souhaite aussi ouvrir le studio à son réseau de 50 000 consultants indépendants, vendant ses produits d’ordinaire sur Facebook Live ou Instagram.

Piliers de cette stratégie de communication d’un nouveau genre au même titre que pour les DNVBs, les influenceurs se font pour l’occasion animateurs ou maîtres de cérémonie. Le marché chinois rencontre les mêmes mutations dans l’influence marketing qu’aux Etats-Unis avec un attrait grandissants pour les micro-influenceurs et les KOCs – Key Opinion Consumers, des clients devenus ambassadeurs – et non plus les méga-influencers comme les KOLs.