Après un confinement vécu comme un cataclysme par l’industrie du septième art, exploitants et producteurs sont désormais contraints d’évoluer et de s’adapter à un marché radicalement différent de celui qu’ils ont connu jusqu’en mars 2020.
Habitué au grand frisson, le monde du cinéma ne pensait pas devoir vivre un scénario digne de ses grands films catastrophe. Et pourtant… Dès les premières lueurs du printemps, la sentence est tombée. Les confortables fauteuils des multiplex comme ceux des petits indépendants ont été plongés dans le noir le plus complet, donnant une toute autre dimension à l’expression « salles obscures ». Dans le secteur privé, on estime que les pertes liées au confinement et au coronavirus s’élèvent à 400 millions d’euros. Un gouffre abyssal qui place désormais les exploitants face à une obligation : rattraper le retard accumulé de mars à fin juin, sous peine de baisser définitivement le rideau. Interrogée par Europe 1 en mai dernier, Marie-Christine Desandré, présidente de Cinéo, évoquait une deuxième menace, autrement dangereuse. « On ne peut pas obligerles producteurs à sortir des films si l’intégralité des salles du territoires ne sont pas opérationnelles », affirmait-elle au micro de Philippe Vandel. Il a, en effet, fallu attendre plusieurs semaines pour voir émerger une nouvelle programmation sur grand écran. Tout d’abord, des films à l’image de De Gaulle, L’élève Ducobu 3 ou La bonne épouse, dont l’exploitation avait été interrompue en mars, ont ressurgi des ombres. Mais les nouveautés sont restées dans les cartons.
Des gages de confiance
Face à l’urgence, les exploitants ont tout mis en œuvre pour regagner les faveurs du public. Très tôt après le déconfinement complet du pays, les professionnels se sont engagés pour appliquer les règles de distanciation sociale voulues par l’Agence Santé Publique France. On a communiqué sur l’espacement des spectateurs avec un siège vide entre chaque personne, sur la disponibilité de lotions hydroalcooliques aux portes des salles et sur les nouveaux process sanitaires mis en place en amont de l’accueil des premiers visiteurs. Des reportages ont été tournés et des publicités en lignes ont été réalisées dans un objectif : convaincre les cinéphiles que leur salle préférée est, de nouveau, un lieu de détente… et de sécurité. Il faudra sans doute attendre l’automne et, peut-être même l’hiver pour mesurer finement l’impact de la crise sur le comportement du public. Une étude réalisée par Médiamétrie et menée entre les 10-16 juin, pas moins de 18,7 millions de français faisaient part de leur envie de retourner dans les salles obscures. Et dès les premiers jours, les exploitants se montraient optimistes. Nathanaël Karmitz, président du directoire du groupe MK2, s’est réjoui chez BFM business du retour des spectateurs au terme d’une première journée cruciale. « Les spectateurs sont là depuis ce matin 9h donc on est plutôt ravis » expliquait-il notamment.
L’heure du distanciel
Malgré le retour en grâce du cinéma, les craintes du virus ne se sont pas estompées dans l’esprit du public. Pour y remédier, les exploitants ont généralisé, avec le concours des instances bancaires, les solutions de paiement sans contact et, surtout, les réservations en ligne. Une option déjà mise en place dans les commerces de masse et les boutiques, mais qui trouve, ici, une dimension tout à fait nouvelle. Plus d’achat de ticket sur place, donc plus de file d’attente au guichet, donc moins de risques sanitaires, donc plus de confiance pour les visiteurs et les exploitants. Au-delà, le printemps a été le théâtre d’un véritable boom dans le domaine de la VOD et du streaming. Si l’irruption de Disney + a marqué le mois d’avril, la tendance s’est confirmée pour toutes les plateformes. Sur les quatre premiers mois de 2020, le marché VOD atteint 453,9 millions d’euros de chiffre d’affaires, affichant une hausse de 40% par rapport à fin mars. Les chiffres du CNC ne diffèrent pas. Le marché de la VOD (TVOD et EST) était de 68 millions à fin mars et de 130 millions à fin avril. Une tendance qui s’est poursuivie tout au long du printemps.
De nouveaux acteurs entrent en scène
Déjà en vue sur le terrain du streaming et de la VOD, des maisons comme Netflix, Amazon ou Disney affirment désormais leur statut sur le terrain des studios de production. Si Netflix, pour ne citer que lui, développe des partenariats avec des réalisateurs comme Michael Mann, Disney et sa puissance financière, achète à tour de bras des pans entiers du patrimoine cinématographique mondiale. Les licences Marvel, 20th Century Fox ou Lucas Arts sont en effet tombées dans l’escarcelle de la souris aux grandes oreilles. Et si, pour l’heure, les ors des grands festivals se refusent encore aux productions signées par ces plateformes, leur pression économique et artistique les rendra bientôt incontournables aux Oscars, aux Césars ou à la Mostra de Venise.
- Au printemps, les exploitants ont perdu 400 millions d'euros de revenu
- Avec le Covid-19, les producteurs ont repoussé toutes leurs sorties
- Avec la reprise, les exploitants tentent de regagner la confiance du public
- La VOD et les plateformes sont en embuscade
jeremy felkowski
Journaliste, entrepreneurs des médias et touche-à-tout insatiable, Jérémy Felkowski a fondé "Le Zéphyr", un bi-média déployé sur le web et sur papier qui explore l'actualité au travers des aventures humaines. Un projet qui permet à sa rédaction de donner corps à une ligne éditoriale curieuse, exigeante et humaniste. Il accompagne également créateurs de médias dans la définition de leur concept, de leur communication et de leur networking. A partir de 2015, cet engagement s'est matérialisé par un événement dédié aux jeunes pousses de l'information qu'il porte avec Le Zéphyr, en parallèle de ses missions de coaching. "Le Printemps des médias" rassemble chaque année à Paris une centaine de créatifs, de journalistes et d'esprits curieux autour de problématiques centrales du monde médiatique. Mais au-delà des rencontres et du pilotage de projets, il partage désormais son expertise avec les étudiant.e.s d'écoles de journalisme et de communication tels que l'IICP, l'ISG, l'EFAP et les établissements du groupe ESG.