La crise sanitaire a lourdement impacté les entreprises et devrait encore se faire sentir durant les mois à venir. C’est pourquoi il est essentiel d’agir maintenant. Voici comment.
Le retour à la normale n’arrivera pas. C’est en tout cas ce que prévoient toutes les études et enquête menées ces dernières semaines pour comprendre l’impact de la crise sanitaire sur les attentes et comportements des consommateurs. Pour répondre à ce monde en transition, il est alors impératif de “nous concentrer sur l’élaboration de scénarios potentiels et de les utiliser pour élaborer un plan d’action solide”, conseille le Boston Consulting Group (BCG). Et bonne nouvelle, le BCG a publié dans ce long rapport différents scénarios qu’il ne sort pas de son chapeau mais bien des analyses effectuées ces dernières semaines et des observations qu’il a pu faire à travers le monde, notamment en Asie où la pandémie (et donc le temps de la reconstruction) a une longueur d’avance sur l’Europe.
Des scénarios pour mieux se préparer
Ainsi, le BCG a dégagé trois phases par lesquelles tous les pays touchés par le Covid-19 sont et vont passer :
- La phase “Aplatir” (Flatten) : les pays ou les villes se verrouillent pour aplatir la courbe de croissance exponentielle du virus.
- La phase “Lutte” (Fight) : une zone géographique “redémarre” (restart) son économie tout en maintenant un faible taux d’infection, mais tout en risquant de devoir mettre en place de nouvelles interdictions en cas d’une nouvelle vague de contamination. C’est le cas de la France, actuellement.
- La phase “Futur” : la seule phase qu’aucun pays ni aucun ville n’a encore expérimentée puisqu’elle commencera quand un vaccin ou un traitement aura été mis au point et déployer à travers le monde. BCG estime qu’il faudra 24 mois pour développer et déployer un vaccin fonctionnel.
À partir de ces phases, BCG a ensuite “créé différents scénarios pour chacune de ces phases afin de prendre en compte les dynamiques changeantes et les éléments complexes qui font partie du paysage COVID-19” :
- Le “redémarrage” évoqué dans la phase “Lutte” ne peut tenir, pour le BCG, que d’une décision politique intentionnelle “prise lorsqu’un ensemble de conditions préalables nécessaires sont remplies dans une géographie donnée. Les chefs d’entreprise ne peuvent pas contrôler cette décision ou ce calendrier, mais ils peuvent s’assurer qu’ils sont prêts à redémarrer”.
- La phase de “Lutte” sera plus longue que vous le pensez. BCG prédit en effet “qu’il faudra entre 12 et 36 mois avant qu’un vaccin ou un traitement hautement efficace puisse être développé et déployé.”
- Longue mais aussi chère : “la phase de Lutte sera plus difficile sur le plan économique que la plupart des dirigeants ne le pensent”, note BCG. En cause ? Une situation volatile, une confiance des consommateurs et des travailleurs ébranlée par la crise. À titre d’exemple, BCG prévoit aux États-Unis “une fourchette potentielle d’un impact relativement grave de 5% à 20% sur les résultats microéconomiques tels que les revenus ou l’emploi, avant de prendre en compte les interventions et les réponses politiques, ce qui influencera fortement le résultat final.”
Vous pensez que ce travail de scénario n’est pas essentiel ? Il est temps de revoir votre copie car pour le groupe BCG, utiliser des scénarios avec une gamme de résultats va permettre aux entreprises d’être prêtes pour la phase de redémarrage, de gagner la Lutte et d’avoir une opportunité de gagner dans le Futur.
Un futur dont les contours commencent à se dessiner rapporte également une analyse de L’Échangeur BNP Paribas Personal Finance et l’Observatoire Cetelem, citée par Fashion Network. Les tendances de demain seraient alors un “amplificateur” de celles déjà orchestrées avant les crises sanitaire et économique. “Le consommateur accompagné fait face à un consommateur engagé, tandis que l’écosystème de l’offre s’oppose à l’émergence de marques uniques et singulières”, résume ainsi Fashion Network dans son article. Le monde de demain verra l’ascension de marque “star system”, le triomphe du local et de l’intérêt collectif mais aussi de la surveillance et du contrôle. Dans quel scénario souhaitez-vous inscrire votre entreprise ?
Le groupe BCG souligne que ces phases et scénarios permettent aux entreprises (et à la société dans son ensemble) de bénéficier d’un cadre pour la planification et l’analyse de leurs propres scénarios. “Pour aller de l’avant, les dirigeants doivent être lucides sur la situation de leur organisation et agir en conséquence”, ajoute encore les auteurs du rapport. “En acceptant et en se préparant à cette réalité, les chefs d’entreprise peuvent rester au fait de la situation imprévisible et jeter les bases de leur survie et de leur succès éventuel dans la phase future.”
Comment penser sa stratégie de sortie de crise à l’aide de ces scénarios ?
Là encore, le BCG a la réponse et explique que l’une des clés consiste à se baser sur la chronologie des phases que nous venons d’étudier, d’en dégager ses propres scénarios, adaptés à son secteur et son entreprise. Ensuite, il s’agit de mettre à jour fréquemment ces scénarios “en surveillant une variété d’indicateurs en temps réel” et de les “utiliser comme base pour la prise de décision”.
Ces indicateurs en temps réel (le bilan sanitaire, les mesures prises par le gouvernement, l’environnement macro-économique, les demandes spécifiques liées à votre business) sont très importants car ce sont eux qui vont déterminer l’évolution de la crise actuelle.
Selon BCG, “une infrastructure temporaire de gestion de crise est également nécessaire” pour assurer ce suivi essentiel que le groupe qualifie même d’approche militaire : “en appliquant la boucle militaire OODA (observer-orienter-décider-agir), l’entreprise sera en mesure d’agir en permanence en réponse aux changements de l’environnement des affaires et d’accélérer l’apprentissage pour acquérir un avantage concurrentiel.”
Une fois les scénarios envisagés, on fait quoi ?
L’anticipation et la planification sont essentielles pour espérer pouvoir gagner la lutte, exister dans la phase du “Futur” et avoir une longueur d’avance sur la concurrence. Dans son rapport, BCG conseille plusieurs actions à mettre en place dès maintenant tout comme cet article de McKinsey.
Pour son entreprise
- se poser cette question sans plus tarder : “Comment pouvez-vous commencer les préparatifs pour protéger vos employés, vos clients et vos espace de travail ?”
- modifier sa présence en ligne et élargir son usage du numérique notamment en exploitant davantage les data.
- renforcer sa résilience.
- développer son agilité et ses capacités d’adaptation pour sa chaîne d’approvisionnement.
- s’adapter au rythme accéléré par la crise sanitaire. En d’autres termes : revoir ses process.
- engager des discussions avec son gouvernement pour définir avec lui les contours des nouvelles normes.
Pour ses finances
- obtenir rapidement de l’argent, réduire ses coûts pour protéger son organisation et lui créer une base solide pour les mois à venir, récupérer ses revenus et repenser fondamentalement son profil de revenus.
- profiter d’avantages pour commencer à investir, s’engager dans des fusions et acquisitions et croître plus rapidement que la concurrence.
Pour ses clients et employés
- adapter son offre aux nouvelles demandes et comportements des consommateurs.
- permettre à ses équipes de développer ses talents, son agilité en responsabilisant encore plus les postes.
- remettre l’humain au centre de tout, aussi bien du côté des employés que des consommateurs.
- mettre en place deux bureaux de crise : l’un pour la prise de décision stratégique à travers tous les horizons temporels, l’autre en charge des opérations pendant les phases d’aplatissement et de combat avec le pouvoir de définir des actions immédiates (concernant le management, les opérations vitales pour l’entreprise, assurer le lien avec les principaux clients, fournisseurs et investisseurs).
Laissons enfin le mot de la fin à BCG : “Assurez-vous que ce que vous faites aujourd’hui entraînera la fin de la crise demain.”
- Le retour à la normale n’arrivera pas mais un futur est possible pour les entreprises.
- À conditions que les dirigeants et dirigeantes se préparent dès aujourd’hui.
- Comment ? En mettant en place une planification rigoureuse tirée de différents scénarios, mis à jour quotidiennement.
- Selon le BCG, cette planification est essentielle car un vaccin ou un traitement ne sera pas déployé avant 12 ou 36 mois.
- Des actions très concrètes peuvent déjà être mises en place pour préparer la sortie de crise : pour son entreprise, pour gérer ses finances mais aussi pour ses employés et sa clientèle.
ariele bonte
Diplômée de Sciences Po Paris, Arièle Bonte est journaliste indépendante, spécialiste des inégalités économiques, de l'économie sociale et solidaire et des questions de genre. Rédactrice en chef de la newsletter #5novembre16h47, éditée par Les Glorieuses, elle s'intéresse aux mouvements qui transforment le monde et s'attache à leur porter un regard positif et optimiste.