Le luxe, est en quête de relais de croissance à l’heure du rebond chinois mais de la décélération brutale de l’activité en Europe et aux Etats-Unis, a littéralement adopté la vente e-commerce. Un canal de communication et de distribution privilégié pour les marques et les retailers qui s’invitent aussi, l’expérience de confinement aidant, au moyen-orient. Acteur majeur dans la région et régulateur des prix du marché à l’image d’un StockX, depuis le lancement de son application en 2018, The List compte bien aussi bénéficier de cet engouement pour l’achat luxe sur mobile. Pour délivrer une expérience digitale personnalisée et accélérer l’onboarding de ses fournisseurs, la marketplace s’appuie sur l’intelligence artificielle.
L’histoire débute avec un serial entrepreneur né en Allemagne et doté d’un solide background dans le milieu des media. Fils de médecins polonais officiants à Dubai, Andres Skorski a lancé sa première entreprise un magazine print avec contenu shoppable – où il suffit au client de scanner le contenu pour basculer sur une page e-commerce pour acheter le produit – à 17 ans. Puis il revend sa société et ne tarde pas à s’intéresser à l’expérience digitale auprès des marques de luxe. A 25 ans, il lance The List avec la ferme intention de restaurer l’image d’exclusivité du produit de luxe en régulant davantage le marché du luxe au Moyen-Orient. L’idée reste de changer la perception des clients locaux quant au pricing.
Jusqu’ici l’expérience luxe dans la région rimait avec achat d’impulsion, encouragé par des rabais s’élevant à 20-30% par rapport au prix retail, détruisant du brand equity et de la rareté. Autre inconvénient qu’a relevé le fondateur, l’offre restreinte de marques de luxe constitue un véritable point de frustrations pour les expatriés.
Premier élément différenciateur des autres plateformes : une curation de styles hybrides allant de 30 $ à 500 000 $. Sur la plateforme e-commerce mobile spécialisé dans les univers luxe et lifestyle, The List, l’ultra luxe côtoie des marques de streetwear plus pointues. Il est ainsi possible de s’y procurer des accessoires design et rares des maisons Gucci, Balenciaga, Cartier, Saint Laurent, Off-White, Rolex tout comme des pièces vintage Louis Vuitton, Chanel et Hermès. A cela s’ajoutent des designers locaux à la renommée internationale comme Amina Muaddi, dont les souliers ont été vus aux pieds de la chanteuse pop et entrepreneuse derrière la marque Fenty (LVMH), Rihanna ou encore des designers exclusifs comme Marina Hoermanseder, Rubeus Milano et Amal Al Mulla. Cette sélection de produits provient d’un solide réseau composé de retailers, de personal shoppers et de services de conciergeries. Basée à Dubaï, l’entreprise possède des bureaux à Lisbonne où une équipe d’experts est en charge de la curation de l’offre.
Avec The List, Skorski a combiné son savoir-faire technologique avec l’experte en marketing de la mode Alexandra Valtin qui deviendra la première directrice de la marque, ainsi qu’avec des profils tech, customer success et marketing issus des marketplaces Farfetch, Yoox/ Net-A-Porter et autres retailers. De simple plateforme e-commerce, The List finit par se diversifier dans le paiement en ligne et les solutions logistiques. Sur ce dernier point, l’entreprise innovante est en mesure de livrer ses clients à leur domicile dans 190 pays.
Avec sa technologie boostée au machine learning et à la recherche visuelle, il ne faut pas plus de 3 secondes à la plateforme pour analyser près de 100 000 points de données (où, quoi et quand le client achète). Ces données permettent de proposer au client ce qu’il désire véritablement et non proposer une offre standardisée en espérant qu’il achète. D’après les dires de son fondateur, ce twist permet d’augmenter sensiblement le panier moyen. Cela permet aussi d’accroître le cycle de vente en full price et de contenir les frais généraux tout comme le risque de surproduction
The List propose aussi une gamification de l’expérience e-commerce à ses clients, dynamisé par une bonne dose de ludique, de suspense et de désirabilité. A la manière d’une vente aux enchères dans la veine d’un ebay modernisé, les produits sont mis en vente au prix retail puis ce dernier vient à fluctuer en fonction de la demande. Il y a donc une grande transparence quant aux tarifs et une méritocratie certaine, valeur somme toute héritée du streetwear. En effet, les plus rapides pourront bénéficier d’un tarif préférentiels tandis que les retardataires auront toujours l’occasion d’acquérir une pièce de qualité sans avoir à débourser une somme injustifiée ou arbitraire. Les prix proposés inclut d’ailleurs les taxes et frais de douanes.
Mais la technologie ne sert pas que les intérêts du client final, aussi exigeant et avide d’instantanéité soit-il. Il s’agit aussi pour les retailers d’affiner leur connaissance client. Ceux-ci sont alors en mesure d’apprendre et de sélectionner les produits à même de se vendre. Ainsi l’onboarding des clients et le lancement de nouvelles collection est accéléré.
Pour capter l’attention et fidéliser, The List a créé en septembre un événement récurrent via le lancement de sa première vente en édition limitée (commercial drop). Baptisée IPO, elle a lieu tous les jours à 9:30, heure de New York. Sont concernées, des pièces aussi désirables que rares. Cette réinvention du luxe au Moyen-Orient a eu pour effet d’élargir une audience, d’ordinaire portée quasi exclusivement par les 15-35 ans. The List est parvenu à intéresser au luxe les 15-55 ans.
The List a jusqu’ici officiellement levé 2,4 millions de dollars afin de développer l’offre et affirmer son positionnement luxe. S’appuyant sur un partenariat avec BitBay Pay, elle fut du reste la première application mode à proposer le paiement par crypto-monnaies dès 2019. Signe de sa stratégie de plus en plus tournée vers le contenu éditorial, en septembre, The List a sécurisé une somme non divulguée auprès d’un investisseur bien connu des médias au Moyen-Orient, Nervora. La structure est en effet derrière le Vogue Arabia et le magazine Wired Middle-East. Le fond a été particulièrement séduit par son expertise dans l’expérience digitale et dans sa connaissance des produits et marques de luxe.
L’engouement massif pour l’e-commerce provoqué par la crise sanitaire et la forte pénétration des achats mobile-first, devrait donner raison à son modèle de distribution omnicanal : 92% des clients aux Emirats et en Arabie Saoudite ont changé leurs habitudes de consommation, basculant en mode online pour l’achat alimentaire et produits de mode.
victor gosselin
Journaliste web spécialiste des univers mode, luxe, tech et retail, passé par le Journal du luxe et Heuritech, Victor s'est spécialisé dans la rédaction de contenus BtoB. Diplômé de l'EIML Paris en marketing et communication, Victor a précédemment oeuvré dans le retail mode & luxe (Burberry, Longchamp...) ainsi que dans un département planning stratégique spécialisé luxe et premium en agence de publicité.