Ils ont moins de 25 ans, sont adeptes d’une ugly fashion décomplexée, ils aiment l’ironie tout comme laisser libre court à leur créativité ou partager des mèmes sur TikTok et ne sortent jamais sans leurs paires de crocs et leurs bobs. Qui ? la génération Z bien sûr.
Vous connaissiez les HENRYs – “High Earners Not Rich Yet” – ou encore les DINKs – “Double Incomes No Kids” – découvrez désormais les CARLYs. Un acronyme qui cache un sous-segment de clientèle appartenant à la génération Z et révélé par la dernière étude de Klaviyo et Future Commerce.
L’occasion pour les designers, comme les responsables marketing, de comprendre les goûts de cette catégorie de consommateurs qui dépend du pouvoir d’achat de ses parents et qui se sent portée par des marques optimistes, militantes, community-driven et challengeant les canons de beauté traditionnels comme Madhappy et Starface.
Une célébration de l’imperfection et un activisme revendiqué
La génération Z – catégorie d’adolescents nés entre 1995 et 2012 – est le nouveau segment de consommateurs chouchou des marketeurs. Plus déterminés à agir pour faire changer un monde imparfait que son homologue millennials résigné tout en étant moins autocentré, elle est la première à être complètement Digital Native.
Si en 2020, les millennials seront amenés à dépenser 1,4 trilliards de dollars, sa cohorte Z n’a pas à rougir. Elle devrait, en effet, dépenser 143 milliards de dollars.
Dans leur étude Nine by Nine, la société de recherche retail media Klaviyo et Future Commerce ont identifié 9 sous-segments qui contrastent avec la préconisation générique d’ordinaire admise au sein de cette génération.
Parmi eux figurent les CARLYs – Can’t Afford Real Life Yet – un acronyme qui renvoie à une catégorie de consommateurs qui ne disposent pas encore de leur propre argent mais dépensent celui de leurs parents. Ces moins de 25 ans ont un pouvoir “hors norme” : ils chérissent l’imperfection. Une philosophie où la véritable beauté se cache dans la laideur. L’étude estime ainsi qu’ils gravitent vers des marques qui incarnent “le club de l’anti-design”. Loin des filtres esthétisants d’Instagram et de « la photo parfaite », les CARLY’s préfèrent le côté artisanal et sans prise de tête de la plateforme de micro-videos TikTok.
Ils préfèrent les marques qui n’ont pas peur de célébrer l’imperfection et sont, à ce titre, mordus d’acteurs majeurs de l’ugly fashion – une laideur calculée, théorisée par Muccia Prada, qui en a fait sa marque de fabrique – chaussés de leurs paires de crocs – ces sabots en caoutchouc d’ordinaire portés sur la plage ou en centre hospitalier – ou emmitouflés dans le style baggy des hoodies de Madhappy.
Parmi les marques qui challengent une beauté consensuelle, on trouve la marque de lingerie éco-responsable Parade. La marque propose des produits convenant à toutes les morphologies. Alors que la plupart des marques proposent des soutien-gorges avec des bonnets dont le plus grand serait une taille XL, la marque va jusqu’au triple XL.
Chez eux, la mode rime avec streetwear et normcore avec tout de même un twist de couleur vive et flashy. En règle générale ils optent pour un style plus improvisé et moins ouvertement sexualisé.
Leur idole n’est autre que la chanteuse pop californienne de 18 ans aux racines de cheveux colorés, Billie Eillish, qui est derrière le single “bad boy”. Avec son style tomboy – garçon manqué – elle arbore des looks hip-hop et skate des années 80 et 90, se présente comme l’antidote de l’archétype de la pop star féminine à la Ariana Grande. Elle qualifie son univers de “pop mélancolique” et assume ses faiblesses. Comme le déclare la chasseuse de tendances Lucie Greene au New York Times, “elle fait basculer l’idée de la beauté vers quelque chose de surréaliste, influencé par le monde de l’enfance à travers le gaming et la cyberculture.” Les experts notent que la ferveur qu’elle génère rappelle les débuts de la carrière de Madonna.
Côté beauté ils adhèrent aux marques qui normalisent des imperfections communes comme la cellulite et qui font des crises d’acnés un acte de bravoure comme Starface et ses patchs étoilés.
Ils apprécient d’ailleurs les célébrités qui osent tomber l’armure et montrer leurs cicatrices, tant physiques que émotionnelles. Première génération à être confrontée de plein fouet au cyber-harcèlement, aux tueries scolaires et à un monde politique de plus en plus polarisé, ils sont plus prompts à livrer leurs aspérités et leurs doutes que les générations précédentes.
Enfin, ils adoptent un comportement militant dans leurs actions. Avec eux, TikTok, la plateforme en apparence inoffensive et frivole de ByteDance, devient le relais d’un contre-pouvoir politique. C’est ainsi que les actions du mouvement Black Lives Matter ont connu une visibilité nouvelle et ont vus leurs actions coordonnées sur un réseau social jusqu’ici connu pour ses vidéos de play-back chorégraphiées.
Ils attendent des marques qu’elle prennent position sur des questions de société majeures et qu’elles les rejoignent dans leur activisme quotidien. Ils questionnent la société pour avoir un impact moins négatif sur la planète. En cela, ils sont adeptes du marché de la revente et du reconditionné, comme ThredUP afin de limiter leur empreinte carbone tout en se faisant plaisir. La marque de sous-vêtement durable Parade l’a bien compris. L’ensemble de ses produits sont conçus à partir de polyamide recyclé et sont tous certifiés Oeko-tex (garantis sans produits polluant). De plus, 64% des gen Z préfèrent des marques avec un purpose/raison d’être plus important.e, selon Agility PR. La Digitally Native Vertical Brand (DNVB) Parade embrasse parfaitement les enjeux d’une responsabilité sociétale puisque 1% des profits est reversé à des organismes de parentalité plantifiée, cherchant à promouvoir l’accès à l’éducation sexuelle, les droits reproductifs et la thérapie de l’affirmation du genre.
Community-driven et pouvoir de la tribu
Ils sont en quête de héros locaux qui ont su développé une relation sincère et suivie avec des communautés où elles sont basées.
Parmi les marques community-driven qu’ils affectionnent on trouve des marques qui ont su insuffler un esprit tribu comme Kith, Peloton, Madhappy, Parade et Outdoor Voices.
Kith, le roi de la collaboration au même titre que Supreme est tout à la fois une marque avec ses produits maisons et un concept-store sélectionnant marques établies et émergentes plus pointues. Kith fédère une communauté de sneakerheads et de “streetwear junkies” par deux leviers : le retailment et le contenu. Côté retail la marque dispose de sept points de vente physiques au design singulier avec un bar à céréales prénommé Kith Treats et des pop-up stores saisonniers. Son fondateur, Ronnie Fieg, compare le lieu à un musée d’art contemporain… en plus vivant : rassemblant la communauté d’enthousiasmes avec un rythme soutenu d’évènements et de lancements de produits inédits.
Chez Outdoor Voices, il est question de courses à étapes organisées en groupe et de cours de fitness au sein même des points de vente. L’expérience est ensuite partagée autour du hashtag #DoingThings. La marque américaine d’athleisure, qui commercialise des leggings entre 75 et 95 dollars l’unité ainsi que d’autres vêtements sportifs, cherche à inspirer ses clients à bouger entre amis chaque jour. Contrairement à d’autres marques de sportswear, la notion de fun prime sur la performance pure. Une valeur qui transparait dans son slogan « Technical Apparel for Recreation ». La marque sports tech Peloton, qui fait partie des stars du confinement, propose une expérience fitness immersive qui retranscrit l’ambiance du sport en salle à domicile. Elle est parvenue à séduire près de 1,6 millions de membres malgré un positionnement luxe avec un vélo d’appartement connecté à 2000 dollars et un abonnement mensuel à 39 dollars. Sa valeur ajoutée : le service d’un instructeur qui permet de motiver les sportifs et de les soutenir au quotidien. Une promesse induite dans son slogan “pour n’importe qui qui en veut”. Munie d’écrans tactiles, la communauté est libre de rejoindre à son rythme et selon ses goûts (thèmes, niveau de difficulté, goûts musicaux) 14 séances en live stream par jour et 4000 séances à la demande. Contrairement à d’autres DNVBs, la marque communique à la télévision et s’appuie sur un réseau retail physique composé de 60 showrooms ainsi que la possibilité de tester le produit dans les 150 hôtels Westin partenaires.
Soutenant aussi les clients Z sur le plan psychique, on trouve Madhappy et son slogan “en mission pour rendre le monde plus optimiste ». LVMH Luxury Ventures, plateforme d’investissement du groupe de luxe éponyme a ainsi pris un part minoritaire au sein de cette marque de vêtement proposant des pantalons de joggings, des sweatshirts et des hoodies oversize. Toutes les deux semaines, la marque lance une ligne de vêtement au concept inédit. Intentionnellement pop et coloré, design et expérience client ont été conçu pour rendre le client joyeux. La section blog au nom évocateur de “The local optimist group” traite de santé mentale, livre des témoignages ou propose encore des playlists musicales associées à une couleur. Le design de ce dernier rappelle le retro-gaming et les prémices de l’internet. La marque va encore plus loin et propose aux client de s’impliquer dans la cause
Un retro-gaming que l’on retrouve sur l’application MSCHF. Rendez-vous de l’anti-drop misant sur la notification SMS, l’app joue à fond la carte de la surprise et propose des produits ironiques viraux en mode aléatoire. La plateforme old-school capitalise sur la fatigue des Z pour les collaborations streetwear tout-azimut qu’elle tourne ici en dérision.
- Les CARLYs - Can't Afford Real Life Yet - sont un segment de consommateurs de niche de moins de 25 ans appartenant à la génération Z. Ils ne dépensent pas leur propre argent mais celui de leurs parents. Ils sont l’antithèse du HENRY - High Earner Not Rich Yet - un millennial qui gagne entre 100 000 dollars et 250 000 dollars par an mais qui se dit fauché.
- Ils challengent la notion de beauté, optant pour des marques audacieuses célébrant l'imperfection, plutôt qu'une esthétique consensuelle. Cela se reflète par les marques qu’ils apprécient qui relève du mouvement Ugly Fashion comme les crocs et Man Repeller mais aussi du streetwear comme Kith.
- Ils se réfugient sur les réseaux sociaux pour s'extraire d'un monde jugé comme dangereux mais qu'ils se disent en mesure de changer.
- Ils attendent des marques un communication authentique et qui comme eux n'a pas peur de livrer son point de vue sur les questions de race, sexualité, politique ou religion. Bref un lifestyle sans filtre.
- Ils apprécient les marques avec un branding fort comportant des graphismes audacieux, des teintes vives et une esthétique unisexe.
victor gosselin
Journaliste web spécialiste des univers mode, luxe, tech et retail, passé par le Journal du luxe et Heuritech, Victor s'est spécialisé dans la rédaction de contenus BtoB. Diplômé de l'EIML Paris en marketing et communication, Victor a précédemment oeuvré dans le retail mode & luxe (Burberry, Longchamp...) ainsi que dans un département planning stratégique spécialisé luxe et premium en agence de publicité.