Maintenant que la crise dure depuis plusieurs mois, à quoi ressemble vraiment le « new normal » qu’avaient prédit les études, cabinets et autres experts ? Tour d’horizon des habitudes et comportements des néo-consommateurs nés pendant la crise. 

Le monde a-t-il tellement changé avec la crise que le « new normal », qui faisait presque rêver les plus optimistes d’entre nous, est-il vraiment arrivé ? Les consommateurs d’aujourd’hui sont-ils plus soucieux de l’environnement, plus heureux et plus efficaces comme de nombreuses prospections nous l’ont promis au printemps dernier ? La réponse ? Oui et non. Car la complexité du monde économique dans lequel nous vivons ne nous permet pas de généraliser. Les situations sont complexes et, à l’heure où les inégalités se creusent, il est difficile de crier victoire pour celles et ceux qui avaient prédit, hier, l’émergence d’un monde nouveau, un monde sauvé, une « nouvelle normalité » réjouissante d’aujourd’hui.

Plusieurs études ont été menées ces dernières semaines et ont montré que les habitudes de certains consommateurs ont bien changé avec la crise du Covid-19. Mais les effets positifs de la crise sont peut-être aussi nombreux que ses effets plus obscurs. Explications. 

L’ÉCOLOGIE ET LE NUMÉRIQUE : LES 2 TENDANCES DE CETTE NOUVELLE NORMALITÉ

Ainsi, une étude menée par le cabinet Kantar dégage deux tendances majeures de notre monde en crise : le renforcement de l’intérêt sur les questions écologiques et la montée en puissance du commerce en ligne, rapporte Fashion Network

« Il y a une prise de conscience pour certains consommateurs qui ont basculé de la catégorie des éco-sceptiques à celle des éco-sensibles. Et cela va s’exacerber chez les plus sensibles avec comme grands thèmes le réchauffement clim et la question des déchets plastiques », a déclaré Gaëlle Le Floch, directrice de l’analyse consommateurs lors de la présentation des résultats de l’étude menée par le cabinet. Pour preuve, 40% des Français disent avoir baissé leur consommation de produits carnés. Une attitude qui a un impact direct l’environnement.  

Les achats en ligne ont également gagné du terrain ces derniers mois. Selon Kantar, 10% des foyers français, soit 2,8 millions de personnes supplémentaires, ont eu recours au e-commerce alors qu’ils n’étaient pas clients en ligne durant le confinement.

Ces nouvelles habitudes d’achat semblent bien ancrées sur le long terme puisque toujours selon le cabinet, 40% environ de ces nouveaux utilisateurs devraient continuer à effectuer des achats en ligne.

Même son de cloche du côté du travail et des loisirs : le numérique prend de plus en plus de place dans ces domaines-là, relève le cabinet McKinsey.

À titre d’exemple, la base d’utilisateurs quotidienne de Zoom est passée de 10 millions de personnes à 200 millions en trois mois, et les clients payants de Slack ont ​​doublé, rapporte encore le cabinet de conseil. Tandis que les téléchargements d’applications de jeu ont augmenté de plus de 30%, et 45% des consommateurs déclarent utiliser davantage de services de streaming en ligne à domicile. 

Enfin, encore plus intéressant, Kantar estime que nous venons d’entrer dans une nouvelle ère. « Nous pensons que nous sommes définitivement sortis du modèle de consommation de masse », a ainsi déclaré Anne-Sophie Bielak, Senior Knowledge & Insight Manager chez Kantar. « La juste valeur devient l’enjeu majeur, la valeur morale attendue par rapport à la valeur économique. », ajoute-t-elle. En d’autres termes, quand les citoyens s’engagent pour un mode de vie plus durable, ils attendent la même démarche de la part des marques qu’ils plébiscitent. 

 DES CONSOMMATEURS ATTACHÉS À LEUR FOYER

Avec le confinement et le développement du télétravail dans de nombreuses entreprises, les intuitions des premières analyses menées au printemps dernier confirment que les Français prennent plaisir, quand leurs conditions financières le permettaient, à rester chez eux. 

31% de la population française a en effet pris goût au télétravail, relève Fashion Network et un certain nouvel art de vivre a émergé pendant le confinement. Les Français « se sont impliqués dans l’aménagement de la maison et de leur jardin (les ventes de piscines se sont envolées cet été) et se sont tournés vers de nouveaux rituels que ce soit dans la cuisine à domicile ou le jardinage », peut-on encore lire sur le site spécialisé. 

« Au cours des mois d’isolement social, l’intention nette des consommateurs de participer à diverses activités à la maison a changé, avec une augmentation de 54 points de pourcentage pour la cuisine, de 30 à 40 points de pourcentage pour les divertissements à domicile et de 22 points de pourcentage. pour l’amélioration de l’habitat », relève de son côté une étude menée par McKinsey.

DES CONSOMMATEURS ENCORE INQUIETS POUR LEUR PORTE-MONNAIE

Si la majorité (67%) des consommateurs reprennent doucement le chemin des dépenses en achat non-essentiels, plus d’un tiers (31%) déclare dépenser moins d’argent, et passer moins de temps à faire du shopping qu’avant la pandémie, relève une étude menée par Mood Media. Cette dernière a été réalisée en partenariat avec Censuswide sur plus de 8000 consommateurs au Royaume-Unis, en Chine, en France, et aux États-Unis, rapporte le site Retail Costumer Experience

Ces nouvelles habitudes signifient que les consommateurs « sont devenus des acheteurs de mission qui s’efforcent d’entrer et de sortir le plus rapidement possible » d’un magasin, analyse Scott Moore, directeur marketing mondial de Mood Media.

McKinsey confirme également la tendance de son côté. Le rapport indique qu’une baisse de « 12% de la consommation privée est prévue aux États-Unis au cours des deux prochaines années, avec un retour aux niveaux d’avant la crise seulement d’ici 2023-2024 ».

Pour Scott Moore, il est donc important de prendre ces données en considération et de permettre à sa clientèle de bénéficier d’une expérience la plus efficace et sécurisée possible. D’autant plus que selon Kantar, rien qu’en France, la population a mis 100 milliards d’euros de côté. Autant que le plan de relance, souligne Fashion Network. Mais il va falloir séduire la clientèle pour que cette dernière touche à ses précieuses économies. En effet, plus de la moitié des personnes interrogées par le cabinet (56%) déclare être inquiète pour l’avenir de son porte-monnaie. 

« En France, nous avons 40% des foyers dont le revenu est garanti », observe encore Gaëlle Le Floch. « Mais l’impact de la crise du Covid-19, ce sont les plus modestes qui en pâtissent le plus. Nous voyons un clivage col bleus-cols blancs qui va s’accentuer. Il y a une ligne de fracture sociale très nette. »

DE L’ART DE BIEN RÉPONDRE AUX ATTENTES DES CONSOMMATEURS

Si le numérique est en plein essor, encore faut-il pouvoir combler les attentes des consommateurs… et ainsi avoir l’espoir de les voir revenir dans le futur. 

L’étude de McKinsey indique qu’en Italie « 60% des consommateurs ont fait des achats en ligne pendant la crise, mais moins de 10% ont trouvé l’expérience satisfaisante ». Difficile d’entrer dans le cœur des internautes si leurs attentes ne sont pas comblées. Mais la mission est loin d’être impossible. En Chine, ajoute McKinsey, le pays connaît « un niveau élevé de nouvelles adoptions avec un pourcentage élevé de consommateurs indiquant qu’ils continueront à faire leurs achats en ligne après la pandémie. »

Vous l’aurez compris, l’enjeu pour les marques aujourd’hui est bien d’être présentes en ligne et de savoir toucher sa cible, avec le bon message. Mais si certains clients aiment encore se rendre en magasins et bénéficier d’une expérience client quasi sensoriel, McKinsey préconise dans son rapport que « les achats dans les allées et les caisses doivent dorénavant devenir autant que possible sans contact ». Les options sont de plus en plus multiples : de la livraison, au ramassage en bord de rue, en passant par le drive ou le paiement par carte, les marques devraient pouvoir trouver leur bonheur et multiplier les offres. Mais de toujours garder en tête qu’avec la pandémie, les consommateurs ressentent le besoin de pouvoir faire confiance aux marques qu’ils plébiscitent. Numérique, transparence, engagement et offres adaptées aux réalités économiques : voici les grandes tendances de la consommation d’aujourd’hui.

À retenir
  • La nouvelle normalité est-elle à la hauteur des prédictions des études du printemps dernier ?
  • Deux tendances se confirment en cette fin d'année : l'accélération des usages du numérique et la prise en compte de l'impact environnemental dans les dépenses.
  • Avec le confinement, les consommateurs ont pris goût à travailler, vivre, se divertir dans leur foyer.
  • Mais de nombreuses personnes ont peur de dépenser leur argent mis de côté, tandis que les inégalités se creusent entre les riches et les précaires.
  • Kantar et McKinsey permettent aux marques et entreprises d'adapter leurs offres à ces tendances et comportements actuels.