La zone Asie-Pacifique, Chine continentale en tête, d’ordinaire coeur du réacteur de l’industrie du luxe aujourd’hui en sommeil est en passe de se réveiller. Malgré un rebond rapide dans les prochains mois, la plupart des marques vont être tentées de réduire leur interdépendance avec la Chine et de se trouver des partenaires moins lointains. En outre, elles vont devoir ajuster leur stratégie marketing à une nouvelle normalité, celle d’une interaction basée sur le distanciel.
Première zone à renouer progressivement avec une vie économique déconfinée, l’Asie-Pacifique présente des signaux faibles inspirants sur le futur de la consommation et du rapport aux marques à l’ère post-COVID. C’est le cas de l’Inde et de l’Australie qui donnent à voir de nouveaux modèles de distribution et de communication adaptés au changement de priorités des clients. Situation éclairante quand on pense qu’en Asie du Sud-Est, le modèle de distribution physique reste le mall XXL tout en étant étant particulièrement attiré par un e-commerce mobile-first (avec Wechat et Whatsapp), porté par une clientèle, hormis le Japon, plus jeune qu’ailleurs.
Des consommateurs à la recherche de marques engagées pour le bien commun
D’après une récente étude COVID-19 Industry Update par Havas Australia, 8 personnes sondée sur 10 considèrent ainsi que les marques ont un rôle actif à jouer dans la lutte contre le COVID-19, juste derrière des ONG comme le Forum Economique Mondial ou les Nations Unies.
Autre enseignement de l’étude, 78% des sondés estiment qu’ils noueraient un lien plus fort aux marques qui iraient au-delà de la lutte contre le virus.Typiquement c’est l’idée de venir en aide et de soutenir la communauté dans son ensemble, un concept proche des charities américains. C’est ainsi que L’Oréal, leader mondial dans la vente de produits cosmétiques, a décidé à travers son programme “L’Oréal pour le futur” de soutenir les femmes en situation de vulnérabilité et de protéger l’environnement.
Inversement, 66 % annoncent, vu le contexte actuel, qu’ils n’hésiteraient pas à zapper les marques et les entreprises qui seraient motivées par leurs seuls intérêts. Ce pivot consistant à prouver la contribution positive de la marque dans la société est là pour durer.
Vers une réinvention de l’expérience client basée sur le distanciel et le frictionless
Créer une expérience digitale digne d’une expérience de vente retail n’est pas une mince affaire et le luxe a longtemps été à la traîne sur ce sujet. En effet, comment créer une expérience shopping online unique, magique et sans pareille ? Bien avant la pandémie, il y avait déjà une forte demande pour un parcours client simplifié et plus rapide, tendance qui devrait se confirmer dans les mois à venir.
Distributeur géant et omnicanalité en Australie
Face à la peur de la contagion (pour soi comme pour autrui), il est plus que probable que le modèle du retail physique soit déserté. De nombreux experts incitent les marques à miser davantage sur le distanciel : celles-ci devront être plus sélectives et se focaliser sur la communication digitale, des relations presse online et une stratégie de contenu cohérente, régulière mais non moins surprenante.
De même, il convient de développer une stratégie omnicanale en jouant la complémentarité entre un modèle de vente physique “brick and mortar” et une plateforme e-commerce plutôt que de miser sur un point de vente pure player entièrement dématérialisé. Sans compter que nombre d’experts pensent que le COVID-19 pourraient devenir une maladie saisonnière. Ce faisant, le retail doit devenir un écosystème constitué de boutiques physiques, d’options de commande e-commerce, de centre de traitement de commande (fulfillment centre), de service de livraison au dernier kilomètre et de supply chains résilientes.
Le récent partenariat signé par la chaîne de supermarché australienne Woolworths avec le britannique et leader mondial de la préparation de commande e-commerce Ocado Group donne un aperçu de ce que pourrait-être le shopping à l’ère post-COVID. L’idée est développer des Micro-Fulfillment Centres (MFC), autrement dit des systèmes d’automatisation de “mise en lots” permettant d’optimiser l’espace tout en atteignant une rentabilité accrue dans l’e-commerce. Selon Brittain Ladd, Chief Marketing Officer du cabinet de conseil américain Pulse Integration, les boutiques devront alors agir comme “des distributeurs géants”.
La clientèle asiatique, plus optimiste qu’en Europe, a, de plus, moins d’appréhension vis-à-vis du virus. Le simple port du masque ,ancré dans les mentalités comme un signe de respect, notamment en Corée du Sud, en Chine et au Japon, n’a pas la connotation occidentale du danger et de la méfiance.
Social commerce et gisement de croissance en Inde
Le Revenge buying, phénomène d’achat compensatoire suite à une longue période de privation a été observé en Chine dans les années 80 et à l’issue de l’épidémie de SRAS en 2001. Il s’est à nouveau manifesté à Guangzhou pour la réouverture du flagship de la maison Hermès mais sera-t-il dupliqué dans le futur ?
En Inde, les experts pensent que le YOLO (You only Live Once) sorte de carpe diem totémique est à même de générer ce type de comportement irrationnel, mais dans une proportion limitée. Car là aussi le retail physique risque d’être déserté pour être remplacé par l’e-commerce.
Selon un rapport Digital India de McKinsey & Company, l’Inde est le berceau du second plus grand marché digital au monde. On recense actuellement dans le pays 600 million d’utilisateurs internet, et ce chiffre devrait atteindre 800 millions d’utilisateurs internet d’ici 2023. En outre, il s’agit selon Counterpoint du 2e marché mondial de vente de smartphones, derrière la Chine. Toutefois, l’e-commerce en Inde reste encore à un niveau embryonnaire mais le COVID-19 pourrait bien contribuer à son développement fulgurant.
Là-bas, le marché est pour l’instant dominé par Flipkart, filiale de l’américain Walmart, suivis par Amazon et Alibaba. Le vaste tissus de commerçants physiques du pays allié à des investissements massifs et ciblés dans la tech (VR, IA, data analytics, miroirs connectés…) permettraient de développer efficacement le click and collect. En cela le social selling pourrait être une solution toute trouvée.
Selon des recherches récentes 57% des consommateurs indiens feraient leur shopping via les réseaux sociaux contre 30% en moyenne. C’est ainsi que la maison mère de Facebook et Whatsapp, vient de racheter 10% de Jio, géant des télécoms et filiale du groupe indien Reliance Industries. Objectif dans un pays où le paysage social media est dominé par Facebook, Orkut et Twitter ? Recréer une application toute en un digne du réseau chinois Wechat, référence du genre.
- Préparer les marques à la migration du retail physique vers l’e-commerce afin de permettre au client de récupérer sa commande en magasin ou d’être livré à domicile. Il s’agit d’être prêt face au mouvement à l’oeuvre du “nice-to-have au “need-to-have”.
- Proposer une relation client à distance porteuse de sens avec un contenu cohérent et pertinent illustrant les engagements et les valeurs de la marque.
- Bâtir des marques proactives contre le virus et soutenant les communautés face à des problématiques économiques et sociales. Selon Havas Australia, 8 personnes sondée sur 10 donnent plus d’importance aux marques dans la lutte contre le COVID-19 que certaines ONG. Plus que du storytelling, l’heure est au story-proving.
- Compléter le dispositif e-commerce par des actions de social selling, favorisant l'interactivité et mettant à contribution le consommateur. L’Inde fait figure de 2e marché du digital derrière la Chine, doté de 600 millions d’utilisateurs internet et où 57% des consommateurs achètent via les réseaux sociaux.
- S’appuyer sur la technologie comme un centre de traitement de commande (MFC) à l’instar du réseau Woolworths et Ocado Group, pour transformer les boutiques physiques en “distributeurs géants” et développer un service de click & collect. Ce fulfillment centre permettra un shopping rapide et un paiement sans friction.
victor gosselin
Journaliste web spécialiste des univers mode, luxe, tech et retail, passé par le Journal du luxe et Heuritech, Victor s'est spécialisé dans la rédaction de contenus BtoB. Diplômé de l'EIML Paris en marketing et communication, Victor a précédemment oeuvré dans le retail mode & luxe (Burberry, Longchamp...) ainsi que dans un département planning stratégique spécialisé luxe et premium en agence de publicité.