Le confinement aura-t-il rendu les acheteurs français plus sensibles à une consommation locale et responsable ? Réponses avec deux études optimistes… mais à nuancer.
On le sait désormais : le confinement a eu pour effet de modifier les comportements et préoccupations des consommateurs français. Ces nouvelles façons de procéder devraient, pour certaines, perdurer dans le temps, même une fois la pandémie passée. De l’alimentation à la production industrielle, la population française serait-elle devenue une adepte du made in France ? C’est en tout cas ce que laissent sous-entendre deux études dont l’une a été menée par OpinionWay pour l’ONG Max Havelaar et l’autre par Kantar. Explications.
Une majorité de produits locaux dans les paniers des supermarchés ?
À la question « Quelles sont nos attitudes vis-à-vis des produits alimentaires responsables, y-a-t-il des produits que nous consommons plus ou moins qu’avant et quelles seront nos intentions de consommation après le confinement ? » posée par OpinionWay pour l’ONG Max Havelaar à plus de 1000 consommateurs français entre les 14 et 15 avril, 80% des répondants estiment qu’ils adopteront dès la fin du confinement une consommation plus « responsable », en plébiscitant les produits locaux (45%), le made in France (39%) et le bio (29%).
D’une façon plus générale, pour 69% des personnes interrogées, la crise Covid-19 nécessite de se tourner vers des achats plus « responsables », deux tiers déclarent privilégier les aliments issus du commerce équitable contre un tiers d’entre eux qui préfère de son côté choisir ses produits en fonction de ce qui est disponible en rayons.
Enfin, dernières données porteuse d’espoir pour l’agriculture responsable : 28% seulement des répondants estiment que l’épidémie est « sans rapport avec la façon dont nous produisons et consommons » tandis qu’une majorité de Français (66%) considère que les agriculteurs ne sont pas suffisamment rémunérés.
« C’est une super nouvelle, car cela montre que cette préférence de consommer responsable se maintient”, a déclaré Blaise Desbordes, Directeur général de Max Havelaar France, interrogé par ETX Studio, rapporte Fashion Network. “L’une des leçons que nous enseigne la crise sanitaire actuelle est que nous sommes tous dépendants de ceux et celles qui cultivent et produisent les denrées alimentaires, que ce soit à l’autre bout du monde ou dans notre région », ajoute-il encore.
En finir avec la délocalisation ?
Dans une autre enquête publiée par Kantar le 30 avril dernier, 42% des personnes interrogées estiment que les entreprises françaises doivent « ramener toute leur production et usines » parmi leurs actions prioritaires, rapporte Challenges.
« Bon nombre d’entre eux se disent prêts à modifier leur comportement d’achat pour favoriser ce mouvement”, souligne à Challenges Emmanuel Rivière, directeur général de Kantar France. Il y a quelque chose de l’ordre de la réinvention qui est à l’œuvre”, assure-t-il.
Une révolution à nuancer
Mais la population française n’est pas encore prête à complètement laisser tomber les importation. Dans son étude pour Max Havelaar, OpinionWay démontre ainsi que malgré la montée en puissance d’une demande en alimentation responsable et locale, les produits les plus plébiscités par les consommateurs pendant le confinement ne poussent pas dans nos régions mais bien de l’autre côté des océans : café (88%), chocolat (88%) et banane (82%) arrivent en tête du top 3. En bas du classement, on retrouve cependant la viande et le sucre, dont la baisse de consommation se chiffre à 23 et 12%.
Mais pour Blaise Desbordes, cité par Fashion Network, ce paradoxe ne semble pas si éloigné des prises de conscience des consommateurs français. « Ces mêmes personnes qui souhaitent privilégier les produits locaux sont sans doute plus attentives au bilan carbone du produit et optent probablement pour un label commerce équitable lorsqu’elles achètent du chocolat ou du café », estime-t-il.
Autre point de vue pour Dominique Seau, le PDG du groupe Eminence. “Le Made in France coûte quatre fois plus cher que la production en Asie”, rappelle-t-il. Or le prix reste l’obsession des consommateurs, même pour les plus aisés d’entre eux.” Philippe Moati, économiste et cofondateur de l’ObSoCo cité par Challenges lui aussi va même plus loin dans son analyse : “Le clivage entre ceux qui s’inquiètent de la fin du monde et ceux qui se préoccupent de leur fin de mois va encore se creuser à l’issue de cette crise”.
- La crise sanitaire a permis à une majorité de consommateurs français de vouloir changer ses habitudes en matière d’alimentation : 80% assurent vouloir aller vers une consommation plus “responsable” après le confinement.
- 42% des Français estiment que les entreprises françaises doivent faire de leur priorité : "ramener toute leur production et usines". Si le made in France semble en grande majorité plébiscité, les consommateurs ne peuvent cependant toujours pas se passer de produits phares, issus d’une agriculture étrangère (café, chocolat, banane).
- Alors que pour certains cette tendance n’est pas incompatible avec une prise de conscience écologique, d’autres estiment que le clivage entre ceux qui veulent réduire leur impact carbone et ceux qui veulent réduire leurs dépenses va augmenter.
ariele bonte
Diplômée de Sciences Po Paris, Arièle Bonte est journaliste indépendante, spécialiste des inégalités économiques, de l'économie sociale et solidaire et des questions de genre. Rédactrice en chef de la newsletter #5novembre16h47, éditée par Les Glorieuses, elle s'intéresse aux mouvements qui transforment le monde et s'attache à leur porter un regard positif et optimiste.