Conçu par l’ancien directeur de la stratégie en innovation digitale du géant du sportswear Adidas, Aglet était destiné pré-covid à être un simple Pokemon Go pour les fans de sneakers. L’application mobile mixait en effet réalité augmentée et gamification. Puis la crise sanitaire a restreint les possibilités de déplacement et fait évoluer le jeu vers quelque chose d’autrement plus ambitieux : réinventer la création design des chaussures de sport. 

Ryan Mullins est un vétéran de l’industrie du sportswear, précédemment à la tête de l’innovation digitale chez Adidas. Il a lancé un jeu mobile permettant de collectionner des versions virtuelles des objets physiques (comme des sneakers) et gagner des points pour acheter l’équipement tant espéré IRL. Il a choisi ainsi de capitaliser sur la croissance exponentielle de la demande et les probabilités toujours plus faibles de décrocher la paire de chaussure polyvalente tant espérée devant des revendeurs déterminés et des bots omniprésents. Au départ, il a l’idée d’un Pokemon GO pour sneakerheads – les passionnés de sneakers – avec un concept qui s’inspire en partie de SNKRS, l’application mobile de Nike, leader du secteur et qui propose des éditions limitées géolocalisées. Ainsi, il s’agissait surtout d’un jeu de piste urbain où les utilisateurs se lançaient sur les traces de commercial drops – collaborations en édition limitée – et pouvaient ainsi collectionner des objets virtuels. Les joueurs affrontaient de nombreux challenges mis en place par les marques dans l’espoir de cumuler des points et ces points récoltés pouvaient être convertis en achats ou réductions valables en magasin. Comme l’avait annoncé Mullins à TechCrunch, “nous convertissons votre activité physique en monnaie virtuelle qui peut être dépensée en magasin pour acheter de nouvelles marques.” Aglet détermine le nombre de points qu’un joueur remporte en fonction de la chaussure virtuelle choisie lors de son expédition. L’application propose une large gamme de design et plus le joueur trouve des modèles de sneakers iconiques ou rare (issus des marques Nike, Chanel ou encore Balenciaga), plus il gagne de points. Et pour donner un côté plus sticky, au bout d’un certain temps, le joueur est contraint de remplacer sa paire par une autre.   

Puis, le confinement est arrivé et a obligé les collaborateurs travaillant sur le projet à adapter le jeu “en mode pandémique” et ainsi à challenger l’idée de départ, servant un bel exemple de résilience. Ryan Mullins a finalement puisé son inspiration dans sa propre expérience chez Adidas alors qu’il pilotait le projet du MakerLab. Le projet consistait alors pour Adidas à nouer un lien avec des jeunes talents et à les inviter à revisiter le design d’un modèle emblématique de la marque. Aglet changea de cap pour intégrer un studio de design. Celui-ci est destiné à présenter les meilleurs designs virtuels et les apporter dans le monde réelMullins en est persuadé, le prochain Nike sera un Nike inversé. “Je pense que ce qui va arriver c’est que vous allez avoir des enfants sur Roblox qui vont créer toutes sortes de trucs dans des environnements virtuels et ça prendra là-bas, du coup les Nike et Adidas devront le fabriquer.” C’est ainsi que le Smart Aglet Sneaker Studio vint au monde. 

En décembre 2020, Aglet recensait 100 000 joueurs, accumulant 8,4 milliards de pas pour un total de 7 000 millions de kilomètres parcourus. L’activité a aussi permis à date, de vendre 200 000 paires de sneakers. L’entreprise a réussi un financement d’amorçage de 4,5 millions de dollars quelques mois seulement après la clôture de son extension de pré-amorçage. Ainsi, depuis 2019, Aglet a levé 7 millions de dollars, de quoi poser les bases d’un futur “Youtube du design de mode” quand ce n’est pas “le métavers du commerce” selon son fondateur. 

La collision entre l’univers mode & luxe et le jeu vidéo fait naître de nouvelles opportunités chez les designers et les marques (live stream, gamification retail…). Cela fait ainsi près de cinq ans, que de plus en plus de membres de la profession considèrent que si les silhouettes foulent les podiums, elles seront aussi destinées à être portées par des avatars et incorporées dans des jeux. “Le monde virtuel est en train de créer sa propre économie” comme le déclare le CMO de chez Gucci, Robert Triefus à Fast Company. Et d’ajouter “les objets virtuels ont de la valeur dans la mesure où ils peuvent être vendus ou échangés”. C’est ainsi que dernièrement un vendeur n’a pas hésité à proposer une paire à 2 400 dollars sur Aglet. L’application a ainsi déjà lancé des collaborations avec Gucci, ou encore Stadium Goods, un des principaux concurrents de la plateforme e-commerce Stock X.  Pour le November Creator Month, en collaboration avec Dirty Soles, l’Académie de Sneakers – originaire de Newark – les équipes d’Aglet ont reçu des milliers de propositions de design. A l’instar d’autres marques, Gucci est convaincue que la tendance “habille-toi comme ton avatar” a clairement de l’avenir