Face aux contraintes imposées par la lutte contre le coronavirus, le monde du commerce initie une profonde transition pour s’adapter aux peurs et aux nouveaux comportements du public. Ventes directes, livraisons, boutiques en ligne et autres casiers de dépôt sont autant de territoires que les marques envisagent avec un œil neuf.
Distanciations sociales, confinements, règles et nouveaux protocoles de sécurité… La pandémie du Covid-19 a durement impacté l’ensemble des acteurs du commerce et de la distribution. Une étude diffusée en mars 2020 par Accenture stipule que 81% des consommateurs ont peur pour la santé de leurs proches. Un chiffre à mettre en corrélation avec les 88% inquiets pour les conséquences économiques de cet événement hors normes. Au cœur de la crise, de nouveaux modes d’action ont finalement pris le pas pour répondre aux impératifs du marché et aux frayeurs du grand public. Nombre d’acteurs ont opéré une bascule à marche forcée vers la digitalisation de leur activité et le renforcement des outils existants. Ventes à emporter, livraison à domicile, systèmes de casiers relais… Toutes les options sont explorées par les groupes et les indépendants. Interrogé par nos confrères de LSA Commerce Connecté, Yannick Franc, Associé Retail chez Deloitte Conseil, assurait que le champ des possibles était très vaste et permettrait l’émergence de pratiques durables. Au plus fort de la crise, le géant américain Amazon a dû, pour sa part, faire face à une croissance inédite de son activité aux Etats-Unis. Les demandes des clients Prime ont littéralement explosé et contraint la firme de Seattle à investir près de 800 millions de dollars pour engager la restructuration de toute sa chaîne logistique, inscrivant, de fait, l’entreprise dans une démarche à long terme.
Des chiffres record et une tendance claire
Les conséquences de cette bascule ne se sont pas faites attendre. Le baromètre Shopping Index édité par Salesforce affiche des statistiques tout à fait éloquentes. Avec la vague de confinement et l’explosion du nombre de contaminés de par le monde, le premier trimestre a connu une augmentation de 40% de clients uniques sur des services en ligne. Un chiffre notamment porté par les seniors qui se sont rapidement tournés vers ces solutions à distance pour faire leurs achats de première nécessité. L’étude basée sur le comportement de plus d’un milliard de clients dans le monde stipule également que les chiffres présentés ne font qu’annoncer une tendance de fond et des mutations profondes du marché. « Alors que les résultats suggèrent que nous ne sommes encore qu’au début d’un changement de comportement, nous pouvons nous attendre à une croissance continue du commerce en ligne dû à la période de confinement », peut-on notamment lire dans le rapport détaillé. Pour le seul cas de la France, les revenus digitaux ont connu une croissance de 24% par rapport au printemps 2019. De son côté le groupe Carrefour affiche des chiffres record et atypiques sur la même période et se prépare à accompagner le mouvement durablement. Soutenu par la sollicitation accrue de ses services de livraisons et de drive, le leader français de la grande distribution affichait ainsi une croissance de 7,8% par rapport à ses concurrents.
Les petits commerces à la croisée des chemins
Si les ténors de la distribution ont pu s’appuyer sur leurs actifs et leurs équipes souvent pléthoriques pour amorcer la transition, les enseignes les plus modestes doivent, quant à elles, faire avec les moyens du bord. Sur le terrain, de plus en plus d’indépendants optent pour des solutions mixtes alliant boutiques physiques et solutions nomades. Des solutions intégrant dans leur discours et leur logique commerciale la contrainte d’une livraison souvent retardée par la saturation des services dédiés. Pour répondre aux impératifs du moment, de nombreux restaurateurs se sont lancés dans la vente à emporter, court-circuitant ainsi Uber Eats les autres applis spécialisées. Figure historique des enchères et du e-commerce, Ebay forge, de son côté, une partie importante de son business sur les boutiques ouvertes sur sa plateforme. Leur survie est cruciale pour l’enseigne californienne. Elle s’est donc engagée à soutenir les petites structures en consacrant un budget de 100 millions de dollars à leur transition numérique. Une décision qui s’accompagne d’autres mesures comme un accès gratuit de trois mois à une boutique en ligne pour tout nouveau projet et un report des taxes et commissions jusqu’au seuil de cinq cent articles vendus. Au-delà des aspects purement financiers, Ebay accompagnera ces structures en leur fournissant gracieusement des outils marketing, de nouveaux outils de personnalisation des boutiques et, enfin, des fournitures d’expédition à prix réduit pour soutenir leur implantation.
Tout repenser autour de l’expérience client
Qu’il s’agisse de grands groupes ou de petits exploitants, tous insistent sur la fiabilité de leurs services et de leurs produits tout en mettant en avant des valeurs commerciales et humaines non plus comme les bases d’un discours mais comme celles d’une démarche globale. Pour survivre à la crise, les commerces devront ériger l’expérience client au sommet de leurs préoccupations. En communicant rapidement et précisément sur les délais de livraison et la disponibilité d’un produit, en aménageant des systèmes pratiques et pensés autour de l’ergonomie en ligne, en analysant plus finement le comportement du public grâce aux intelligences artificielles et aux datas, les commerces pourront apparaître comme des marques réflexe et des partenaires refuge aux yeux de leur cible. Indispensable pour surmonter les transformations promises par ce printemps 2020.
- Les nouvelles aspirations poussent le monde du commerce à se réinventer et à miser sur le digital
- Les marketplaces connaissent une croissance importante
- A côté des grands groupes, les petits commerces doivent montrer les muscles
- L'expérience client n'est plus seulement une donnée marketing. C'est un fil rouge.
jeremy felkowski
Journaliste, entrepreneurs des médias et touche-à-tout insatiable, Jérémy Felkowski a fondé "Le Zéphyr", un bi-média déployé sur le web et sur papier qui explore l'actualité au travers des aventures humaines. Un projet qui permet à sa rédaction de donner corps à une ligne éditoriale curieuse, exigeante et humaniste. Il accompagne également créateurs de médias dans la définition de leur concept, de leur communication et de leur networking. A partir de 2015, cet engagement s'est matérialisé par un événement dédié aux jeunes pousses de l'information qu'il porte avec Le Zéphyr, en parallèle de ses missions de coaching. "Le Printemps des médias" rassemble chaque année à Paris une centaine de créatifs, de journalistes et d'esprits curieux autour de problématiques centrales du monde médiatique. Mais au-delà des rencontres et du pilotage de projets, il partage désormais son expertise avec les étudiant.e.s d'écoles de journalisme et de communication tels que l'IICP, l'ISG, l'EFAP et les établissements du groupe ESG.