Pré-pandémie déjà, le Royaume-Uni affrontait sur son territoire et bien plus tôt que dans les autres recoins d’Europe, des difficultés dans le marché du retail physique. 

La crise comme le Brexit pourrait bien encore compliquer la donne, alors que le changement d’usage des consommateurs privilégie de plus en plus la vente e-commerce. 

Selon Moody’s Analytics, 25% des dépenses retail totales du royaume seront générés online d’ici 2023. Un chiffre à mettre en perspective avec le reste de l’Europe (15%) qui a été plus tardivement exposé que le Royaume-Uni au boom des usages du e-commerce. Des changements notables ont commencé à être visibles hors du Royaume à partir de 2019.

La nouvelle est un mauvais signal pour les propriétaires de locaux commerciaux avec une prochaine érosion de la demande et donc des montants des baux commerciauxMoody’s prévoit ainsi que les bailleurs britanniques seront contraints de diminuer les loyers de leurs locaux commerciaux entre -15 et -25%.  Les propriétaires sont également confrontés à des tarifs commerciaux toujours élevés et au recours accru aux accords volontaires d’entreprise (AVA) pour négocier agressivement des réductions de loyer.

Cette crise du retail, les propriétaires britanniques de locaux commerciaux la connaissent bien et ont dû l’affronter il y a quelques années. Cela s’explique en partie par une plus grande pénétration du e-commerce, un coût du loyer plus élevé et une plus grande densité de magasins retail. Selon les données d’EuroCommerce, les consommateurs britanniques achètent en ligne plus fréquemment que dans tout autre pays européen, 24 % des particuliers ayant effectué des achats en ligne 6x-10x au cours des trois derniers mois. En outre, le pays affichait un taux de pénétration de 22,3 % en 2019, l’un des taux les plus élevés au monde, supérieur à celui des États-Unis et près de deux fois plus élevé que la moyenne de l’Europe continentale. 

Un développement du e-commerce qui exige de la part des retailers de développer une stratégie omnicanale. En témoigne, la chaîne de grands magasins Debenham et le groupe Arcadia qui se retrouvent en grandes difficultés. Les Arcadia et ses 350 millions de livres de deficit  pourrait bien entrainer la fermeture d’un parc de 500 boutiques représentés à travers les marques Topman, Topshop et Burton. Pas assez digital-first ni assez rapide, sa marque de fast fashion phare, Topshop a perdu du terrain au fil des ans au profit de ses concurrents Primark et Boohoo. En cas de faillite les points de vente vacants pourraient favoriser le retour du modèle du pop-up store à la manière de Primark qui avait ouvert un pop up store dédié au bien-être dans le quartier londonnien de Shoreditch. Selon Natasha Cazin, consultante mode chez Euromonitor « jadis dominé par les flagships pour attirer les touristes dans les centres villes clés, les boutiques de mode brick & mortar devraient devenir des showrooms pour la marque. » Selon elle, afin de mieux maîtriser les coûts et diminuer l’importance des loyers, les marques pourraient être tentées d’ouvrir des boutiques hors des grandes villes. C’est ce qu’a fait Harrods plus tôt cette année en ouvrant un point de vente à Milton Keynes.

Signe de l’envolée des usages e-commerce sur le territoire britannique, fin octobre, les ventes e-commerce étaient en passe de dépasser les ventes en retail physique pour la première fois à Noël. Selon les analystes les ventes globales resteraient inchangées à 78 milliards de livres, mais les ventes online pourraient représenter une part importante de ce montant, soit 39,17 milliards de livres. Le transporteur DHL Express a déjà signalé un pic des commandes e-commerce de 35% cette année et prévoit maintenant une augmentation des volumes d’expéditions de 50% par rapport à 2019. Dans le même ordre d’idée, l’Office National des Statistiques avait relevé une hausse des ventes online de 53% en 2019 par rapport à l’année précédente. 

Un autre élément joue les perturbateurs pour  le retail britannique : le Brexit. Cette sortie de l’Union Européenne pourrait entraîner une hausse des coûts pour les consommateurs et une diminution des marges pour les retailers. De même l’incertitude planant autour d’un no deal avec l’Union Européenne est à bien des égards dissuasif pour quiconque désireux d’ouvrir sa boutique en Grande-Bretagne.