Propriétaire des marques automobiles Ferrari et Fiat, la Famille Agnelli est parvenue à un accord avec le groupe de luxe français, Hermès, afin d’obtenir, via sa holding Exor, une part majoritaire au sein de Shang Xia. La maison du Faubourg Saint Honoré reste au capital ainsi que sa créatrice historique, Jiang Qiong-Er.
Exor, holding de la famille des Agnelli – dynastie et incarnation de l’art de vivre italien avec des figures comme le dandy Gianni Agnelli et la socialite Marella Agnelli – va investir 80 millions d’euros (96,5 millions de dollars) dans la marque Shang Xia via une augmentation de capital réservée lui permettant de devenir actionnaire majoritaire.
Shang Xia est une marque lifestyle chinoise à l’esthétique minimaliste, créée il y 10 ans avec le concours de la designer Jiang Qiong-Er – 13 années d’expérience dans la création de meubles et de bijoux auprès des marques internationales lors du lancement – et de Patrick Thomas, ex-dirigeant d’Hermès. La marque opère dans différents univers complémentaires que sont : l’art de vivre (services à thé…), le mobilier, la maroquinerie, la mode et les accessoires. Shang Xia célèbre “l’art de vivre chinois contemporain à travers une rencontre unique entre le patrimoine culturel chinois, le meilleur de l’artisanat et un design du 21e siècle.” Une idée qui se retrouve dans son nom qui provient de l’expression idiomatique chinoise ‘承上启下’, qui signifie porter le passé et ses traditions vers le futur, Shang Xia est composé de deux opposés, tradition que l’on retrouve dans le Yin et le Yang à travers les notions 上 (shang) qui signifie “vers le haut” et 下 (xia) qui renvoie à “vers le bas”.
Cette revalorisation des savoir-faire chinois est une réponse apportée par le groupe Hermès face à la période maoiste et à la destruction institutionnalisée par le gouvernement maoiste des Quatres Vieilleries 四旧, à savoir les vieilles idées, les vieilles cultures, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes. Un patrimoine inestimable a disparu (littérature, peintures, antiquités…) ou a été interdit (opéras chinois, théâtre des ombres…) à cette époque. Étant considéré comme “vieux”, tout ce qui était antérieur à la République Populaire de Chine de 1966. Avec Shang Xia, le groupe Hermès a contribué à raviver la flamme de la fierté chinoise. Un nationalisme économique depuis largement encouragé par le gouvernement de Xi Jinping.
La marque avait généré un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2019, soit une hausse par rapport à l’année précédente de +60%. La marque dispose d’un parc retail de 7 magasins dans l’empire du milieu : Shanghai, Beijing, Chengdu, Hangzhou et Shenzhen. Son empreinte à l’international reste limitée, ne disposant que d’une seule boutique à Paris depuis 2013. La marque n’est toutefois pas encore rentable. Parvenue depuis trois ans, selon les Echos, à fidéliser une clientèle de 25 à 45 ans, dont une majeure partie relève des jeunes générations chinoises, Shang Xia dispose néanmoins de solides fondamentaux en particulier pour ce qui relève de ses approvisionnements. Le groupe Hermès est en effet parvenu à se constituer un réseau d’artisans locaux dont les réalisations répondent aux standards de qualité du luxe. Une force à l’heure de l’essor du luxe sur le marché domestique chinois.
Cette prise de contrôle permettra à la marque chinoise du groupe Hermès de soutenir son développement à l’international, tout en permettant à Exor de renforcer son empreinte en Chine. Exor dispose déjà d’un portefeuille dont la valeur est estimée à 27 milliards de dollars. Outre les synergies évidentes, l’investissement de Shang Xia s’avère « un bon moyen pour Exor de diversifier » ses participations, qui consistent actuellement en des participations « de premier plan » dans Fiat Chrysler Automobiles, PartnerRe, CNH Industrial, Juventus FC, The Economist Group et GEDI Gruppo Editoriale, « tout en déployant une partie de ses liquidités », selon Lisa Jucca de Reuters. Le groupe Hermès avait ainsi fait part dernièrement d’un plan d’internationalisation vers Taiwan et Singapour en 2021.
Ce n’est pas la première fois qu’un groupe européen développe une marque chinoise. En 2012, Kering avait racheté le joaillier Qeelin fondé par le mari de la créatrice de Shang Xia, Guillaume Brochard. De son côté Richemont avait un temps porté la marque Shanghai Tang avant de s’en séparer en 2017.
Si la Chine n’est pas parvenu à élever des marques de luxe locales au rang mondial, elle s’y emploie, que ce soit par la haute couture avec Shiatzy Chen (surnommée le Chanel chinois et qui a ouvert une boutique à Paris en 2017) ou le développement durable avec Icicle (débarqué à Paris cette année). Mais la percée pourrait bien provenir de la beauté avec la marque Perfect Diary ou encore des vins et spiritueux avec Kweichow Moutai.
victor gosselin
Journaliste web spécialiste des univers mode, luxe, tech et retail, passé par le Journal du luxe et Heuritech, Victor s'est spécialisé dans la rédaction de contenus BtoB. Diplômé de l'EIML Paris en marketing et communication, Victor a précédemment oeuvré dans le retail mode & luxe (Burberry, Longchamp...) ainsi que dans un département planning stratégique spécialisé luxe et premium en agence de publicité.