En ces temps de frustrations et d’incertitude, les individus sont en recherche d’éléments apaisants et restructurants. Si l’on ajoute les insomnies et les difficultés à s’endormir, accentuées avec le confinement, l’ASMR s’avère un puissant allié pour tout un chacun comme pour les marques. Les marketeurs peuvent y trouver une idée de format innovant et un moyen de capter l’attention d’internautes déjà sur-sollicités et d’ordinaires particulièrement critiques envers les marques.
D’après un rapport d’Ahrefs à partir du Top 100 des mots clés sur Youtube, l’ASMR arrive en seconde position aux Etats-Unis tandis qu’elle arrive en troisième position à l’échelle mondiale. Le mot-clé présente ainsi un volume de recherche de plus de 13 910 millions. Un OVNI dans un classement faisant la part belle à des artistes musicaux. Le terme se place juste devant la chanteuse pop Billie Eillish (13 860 millions), coqueluche des membres de la génération Z, notamment auprès des bien-nommés C.A.R.L.Ys qui ont un gout prononcé pour le bizarre et le dérangeant (comprendre le non consensuel).
En janvier déjà, une étude Digital Report 2020 de We Are Social avec Hootsuite avait sacré l’ASMR 8e recherche la plus importante sur Youtube. Le terme dépassait auprès des 16-64 ans le groupe de rap français PNL.
Rien d’étonnant quand on sait que le mouvement trouve sa source en 2015 sur la plateforme vidéo. A cette époque, la pratique était underground car jugée dégradante, certains y ayant vu un “orgasme cérébral”, et notamment le bureau chinois de la lutte contre la pornographie en juin 2019.
L’ASMR – Autonomous Sensory Meridian Response – que l’on peut traduire par « réponse autonome sensorielle culminante », reprends les mêmes codes que la méditation. A ceci prêt qu’il allie l’image vidéo au son. Le mouvement des ASMRtists (influencers spécialisés dans l’ASMR) tire sa source d’une vidéo devenue virale publiée en 2009. WhisperingLife ASMR (15,4 K abonnés) fut la première influenceuse à créer une chaîne Youtube dédiée au whispering (chuchotement). Le terme a ainsi été théorisé par Jennifer Allen en 2010, à l’époque informaticienne dans le secteur de la santé et aujourd’hui spécialiste en cybersécurité. Il s’agit d’une sensation singulière et agréable prenant la forme d’un picotement ou d’un frisson au sommet du crâne ou du cuir chevelu qui peut s’étendre jusqu’au cou ou aux membres. Cet état de transe euphorique relaxante survenir chez certaines personnes suite à un stimulus visuel, auditif, olfactif ou cognitif. Les vidéos ASMR consistent à amplifier des bruits d’ambiance et des sons pour déclencher un sentiment de plaisir intense.
On recense toute une palette de bruits réconfortants car familiers jouant à fond la carte de la nostalgie et de la régression et qui rappelle le conte pour s’endormir. Parmi les déclencheurs, on trouve les whisperings (chuchotements) qui servent à raconter une histoire ou à donner des conseils, les attentions personnelles qui sont de véritables jeux de rôles où l’influencer devient confident (métiers de coiffeurs, médecin…), les sons clairs comme le tapping (tappotement), le crinkling (craquelement), le scratching (grattement de surface avec les ongles) ou encore des mouvements lents.
L’essor du phénomène coïncide avec les avancées de la recherche dans les neurosciences. Une étude de 2015, a ainsi conclu que l’ASMR servait de régulateur d’humeur et pouvait guérir les dépressions. L’Université de l’Essex a remarqué dans une étude de 2018 qu’elle était en mesure de réduire un sentiment d’anxiété en ralentissant le rythme cardiaque.
Le format a inspiré bon nombres d’acteurs dans différents secteurs : le chocolatier Lindt au Canada ou encore le constructeur automobile Renault pour sa voiture électrique Zoé. Pour promouvoir ses sneakers Ace, la maison de luxe Gucci s’était appuyé sur le phénomène ASMR et avait fait appel à plusieurs artistes dont Oh Jia Hao. La vidéo “Ace Breaker” de ce dernier avait généré plus de 2 millions de vues, faisant d’elle la vidéo la plus vue et aimée de la maison italienne sur Instagram.
L’aspect visuel reprends aussi les codes du mouvement artistique “Oddly Satisfying”, un genre de clips vidéos dépeignant des actions répétitives mais satisfaisantes où l’accent est mis sur les sons comme la texture des objets, qui peuvent de simples formes 3D. C’est le cas de la campagne Satisfying Bank par la banque ING qui a fait équipe avec le studio design espagnol Serial Cut.
Le Magazine de mode lifestyle W a ainsi produit 41 interviews filmées où les stars comme Margot Robbie répondent en chuchotant et en partageant les sons du quotidien qui incarne leurs madeleine de Proust.
Si le mouvement est devenu mainstream en occident, c’est bien grâce au magazine W mais aussi et surtout avec Zoe Kravitz vantant les mérites du brasseur Michelob Ultra lors du Super Bowl.
Le format de l’ASMR permet ici aux marques de capter l’attention, de déclencher l’intérêt et de se différencier en particulier auprès des jeunes générations. Ainsi, la moitiée des enthousiastes du mouvements ont entre 18 et 24 ans. Le graal à viser ? Le “transfert affectif”. Un brand content ASMR, bien conçu, en faisant appel à l’émotion plutôt qu’à la raison permet de renforcer la désirabilité du produit et, selon le psychologue Tim Wheeler au guardian, rendre la personne moins critique vis à vis du message publicitaire.
victor gosselin
Journaliste web spécialiste des univers mode, luxe, tech et retail, passé par le Journal du luxe et Heuritech, Victor s'est spécialisé dans la rédaction de contenus BtoB. Diplômé de l'EIML Paris en marketing et communication, Victor a précédemment oeuvré dans le retail mode & luxe (Burberry, Longchamp...) ainsi que dans un département planning stratégique spécialisé luxe et premium en agence de publicité.